Chapitre 5 :

Régime des parts sociales dans la SARL

 

Sommaire

 

Section 1 : Régime juridique des parts sociales

§ A. Spécificités des parts émises par la SARL

1. Les parts sociales sont des titres à valeur nominale

2. Les parts sociales doivent être intégralement libérées

3. Les parts sociales ne sont pas des valeurs mobilières

4. Les parts sociales ne peuvent pas être souscrites par voie d’appel public à l’épargne

5. Les parts sociales ne sont pas négociables

§ B. Les opérations sur les parts sociales

1. Cession, nantissement, saisie des parts sociales

2. Usufruit

Section 2 : Les opérations de cession des parts sociales

§ A. Conditions générales entourant la cession des parts sociales

1. Condition relative à la forme de la cession

2. Conditions d’opposabilité de la cession à la société

3. Condition relative à l’enregistrement des cessions de parts sociales

4. Conditions d’opposabilité à l’égard des tiers

§ B. L’agrément des cessionnaires de parts sociales

1. Cas des cessions de parts entre associés

2. Cas des cessions au profit des tiers

§ C. Les clauses statutaires de préemption

§ D. Les effets de la cession

1. A l’égard du cessionnaire

2. A l’égard du cédant

3. Les clauses de garantie de passif

Section 3. Le nantissement et la saisie des parts sociales

§ A. Nantissement (ou gage)

1. Effets du nantissement

2. Agrément des créanciers nantis

§ B. Saisie et vente forcée des parts sociales

1. Saisie des parts sociales

2. Agrément de l’adjudicataire des parts sociales

 


 

Chapitre 5 :

Régime des parts sociales dans la SARL

 

Section 1 : Régime juridique des parts sociales

§ A. Spécificités des parts émises par la SARL

1. Les parts sociales sont des titres à valeur nominale

Le capital social doit être divisé en parts sociales à valeur nominale égale dont le montant ne peut être inférieur à cinq dinars (Article 92 CSC).

La répartition des parts doit être portée au niveau de l’acte constitutif (Article 96 CSC).

2. Les parts sociales doivent être intégralement libérées

Dans la SARL, les apports doivent être entièrement libérés lors de la constitution ou lors d’une augmentation du capital postérieure à cette constitution[1].

3. Les parts sociales ne sont pas des valeurs mobilières

Il est interdit à une société à responsabilité limitée d'émettre ou de garantir des valeurs mobilières[2]. Toute décision contraire est considérée nulle (Article 101 CSC).

4. Les parts sociales ne peuvent pas être souscrites par voie d’appel public à l’épargne

L’article 145 du CSC punit d'un emprisonnement de seize jours à six mois ou d'une amende de 1.000 à 3.000 dinars ou de l'une de ces deux peines seulement, les gérants qui directement ou par personnes interposées, ont ouvert une souscription publique à des valeurs mobilières quelle qu'en soit la catégorie pour le compte de la société.

5. Les parts sociales ne sont pas négociables

Les parts sociales ne peuvent être représentées par des titres négociables. Toute décision contraire est nulle (Article 102 CSC).

La négociabilité peut être définie comme étant « la qualité attachée à certains titres représentatifs d'un droit ou d'une créance, qui en permet une transmission plus rapide et plus efficace que les procédés du Droit civil[3] ».

A cet égard, il est utile de distinguer la notion de négociabilité réservée d'une manière exclusive aux valeurs mobilières de la notion de cessibilité qui est le procédé de transmission des parts sociales et des parts d'intérêts.

Une valeur mobilière n'est pas uniquement cessible ; elle est, en outre, négociable.

La différence entre ces deux notions peut être située à maints niveaux :

a) Sur le plan formel, la cession des parts est entourée d'un formalisme exorbitant.

L'exemple des cessions de parts sociales dans les sociétés à responsabilité limitée en est le témoin idéal.

Comme on va le voir plus loin avec plus de détails, l'article 110 du CSC exige que :

  • la cession des parts sociales soit constatée par un écrit comportant une signature légalisée des parties,

  • que cette cession obéisse aux conditions fixées à l'article 109 du CSC relatives notamment à l'agrément des cessionnaires non associés et,

  • qu'elle soit signifiée à la société.

Au contraire, la négociation des actions est de loin plus simple: elle est faite par une modification de l'inscription au compte sur lequel figure l'action. L'article 315 du CSC dispose : «Les valeurs mobilières sont négociées par leur transfert d'un compte à un autre»[4].  

b) Les effets d'une cession de parts sont limités

On applique le principe selon lequel nul ne peut transmettre un droit dont il n'est pas lui-même titulaire (Nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet).

Par conséquent si un vice, on dit aussi une exception, atteint le droit transmis, le cessionnaire n'acquiert qu'un droit incomplet. Au contraire, en cas de négociation, l'acquéreur devient titulaire d'un droit nouveau. Les exceptions lui sont inopposables. La négociation offre donc plus de sécurité que la cession[5].

c) La cession des parts sociales et des parts d'intérêts est obligatoirement soumise à la formalité fiscale de l'enregistrement.

Quant aux valeurs mobilières émises par les sociétés anonymes, bien que non soumises à la formalité fiscale de l'enregistrement, elles sont soumises, obligatoirement et à peine de nullité de la transaction, à l'enregistrement à la bourse suivant les conditions édictées aux articles 70 et suivants de la loi n° 94-117 du 14 novembre 1994, portant réorganisation du marché financier.

§ B. Les opérations sur les parts sociales

S’agissant de valeurs patrimoniales, les parts sociales peuvent être cédées, données en usufruit, nanties, saisies etc.

1. Cession, nantissement, saisie des parts sociales

Constituant l’opération la plus fréquente en pratique, nous étudierons ces opérations d’une manière détaillée dans la deuxième (cession) et troisième (nantissement et saisie) section (cf. infra).

2. Usufruit

L’usufruitier bénéficie des fruits des parts c’est à dire des dividendes (en totalité ou avec certaines limites). Le nu-propriétaire bénéficie notamment du droit aux réserves, du droit au remboursement des apports.

Les statuts organisent généralement les rapports entre ces deux personnes.

Section 2 : Les opérations de cession des parts sociales

Les changements d’associés dans la SARL sont consécutifs de la survenance de plusieurs événements dont principalement la cession de parts entre vifs, l’héritage, l’augmentation de capital profitant à un tiers non-associé, l’absorption d’une personne morale.

Nous-nous intéresserons à la transmission des parts sociales effectuée entre vifs. Nous y examinerons les conditions générales entourant la cession des parts sociales (§1), à l’agrément des cessionnaires de parts sociales (§2), à la possibilité d’insérer dans les statuts des clauses de préemption (§3) et enfin aux effets de la cession (§4).

§ A. Conditions générales entourant la cession des parts sociales

1. Condition relative à la forme de la cession

La cession des parts sociales doit être constatée par un écrit comportant une signature légalisée des parties[6] (Article 110 CSC).

2. Conditions d’opposabilité de la cession à la société

Deux articles du CSC traitent de l’opposabilité des cessions aux associés :

  • La cession des parts sociales n’est opposable à la société que dans la mesure où elle aura été signifiée à la société (Article 110 CSC).

  • Les cessions et transmissions ne seront opposables à la société qu'à dater de leur inscription sur le registre des associés[7] ou de leur signification selon les conditions édictées à l'article 109 du CSC (Article 111 CSC).

On peut conclure à travers la conjugaison des deux dispositions que la cession des parts sociales devient opposable à la société lorsque l’une des deux conditions suivantes se trouve réunie :

  • La cession a été signifiée à la société[8].

  • La cession est inscrite sur le registre des associés.

Aucune disposition légale ne réglemente le mode de signification des cessions de parts à la société.

L’article 111 du CSC évoque une « signification selon les conditions édictées à l'article 109 du CSC ». Or l’article 109 ne contient aucune disposition traitant des conditions de signification[9] !

3. Condition relative à l’enregistrement des cessions de parts sociales

En vertu des dispositions de l’article 3. I. du code des droits d’enregistrement et de timbre « doivent être enregistrés dans un délai de soixante jours à compter de leur date (…) les actes sous seing privé (…) portant cession de parts de fondateurs, de parts bénéficiaires ou de parts d'intérêts dans les sociétés dont le capital n'est pas divisé en actions ».

La date d’enregistrement des cessions entre vifs doit être portée au niveau du registre des associés (Article 111 CSC).

4. Conditions d’opposabilité à l’égard des tiers

La cession des parts sociales n'est opposable aux tiers qu'après accomplissement de ces formalités et, en outre, après publicité légale.

En effet, l’article 16 du CSC dispose « Sont soumis aux formalités de dépôts et de publicité, tous les actes et les délibérations ayant pour objet (…) les cessions de parts sociales.

La publicité doit être effectuée dans le délai d'un mois à compter de l'inscription de l'acte au registre du commerce.

Aux termes de l’article 17 du CSC, l'inobservation des formalités de publicité prescrites par les articles précédents entraîne (…) la nullité de l'acte ou de la délibération sous réserve de la régularisation prévue par le présent code.

Il en découle que l’inobservation des règles de publicité peut être, à défaut de régularisation, sanctionné par la nullité de la cession ; ce qui représente une sanction disproportionnée par rapport à la faute.

En droit français, la cour de cassation française a considéré que l’inobservation des formalités de publicité concernant la cession des parts sociales n’entraîne pas la nullité de la cession mais seulement son inopposabilité aux tiers[10].

§ B. L’agrément des cessionnaires de parts sociales

La cession des parts sociales à des tiers ne nécessite pas l’obtention de l’unanimité des associés. Une telle cession exige en revanche que le cessionnaire soit agréé.

L’article 109 du CSC traite des modalités de cession des parts sociales aux tiers non-associéss.

 

Traduction française de l’article 109 du CSC

Version arabe de l’article 109 du CSC

1

Les parts sociales ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société qu'avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins les trois quarts du capital social.

لا تجوز إحالة حصص الشركاء إلى غيرهم إلا بموافقة أغلبية الشركاء التي تمثل ثلاثة أرباع رأس المال على الأقل.

 

1

2

Lorsque la société comporte plus d'un associé, le projet de cession est notifié à la société et à chacun des associés.

وإذا كانت الشركة تتكون من أكثر من شريك واحد فإن مشروع الإحالة يبلغ إلى الشركة وإلى كل واحد من الشركاء.

 

2

3

Si la société n'a pas fait connaître sa décision dans le délai de trois mois à compter de la dernière notification prévue ci-dessus, le consentement de la société est réputé acquis.

وإذا لم تتخذ الشركة موقفا من الإحالة في أجل ثلاثة أشهر من تاريخ التبليغ الأخير المنصوص عليها أعلاه فإن موافقة الشركة تعتبر حاصلة.

3

4

Si la société a refusé d'approuver la cession, les associés sont tenus dans un délai de trois mois à compter de la date de ce refus, d'acquérir ou de faire acquérir les parts. En cas de désaccord sur le prix de cession, ce dernier sera déterminé par un expert judiciaire, désigné soit par les parties, soit à la demande de la partie la plus diligente par ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal du lieu du siège social à la demande de la partie la plus diligente.

وإذا أعربت الشركة عن رفضها قبول الإحالة فإن الشركاء مطالبون بشراء الحصص أو السعي لبيعها في أجل ثلاثة أشهر إبتداء من تاريخ الرفض. وفي حالة عدم الإتفاق حول سعر الإحالة يتم تحديد هذا السعر بواسطة خبير عدلي يتم تعيينه إما بإتفاق جميع الأطراف وإما بمقتضى إذن على العريضة يصدره رئيس المحكمة المختصة بطلب من أحرص الطرفين.

4

5

La société peut également, dans le même délai et avec le consentement express du cédant, racheter les parts au prix fixé selon les modalités ci-dessus et réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts cédées.

ويمكن للشركة كذلك في الأجل نفسه وبموافقة صريحة من المحيل إعادة شراء الحصص بالسعر المحدد طبق الطرق المعلنة أعلاه وخفض مقدار القيمة الإسمية للحصص الواقع إحالتها من مجمل رأس مالها.

5

6

Le président du tribunal de première instance du lieu du siège social peut, sur ordonnance sur requête, accorder à la société un délai de paiement qui ne peut excéder un an. Dans ce cas les sommes dues par la société au cédant seront majorées des intérêts légaux en matière commerciale.

ويمكن لرئيس المحكمة الإبتدائية الواقع بدائرتها لمقر الإجتماعي للشركة أن يمنح هذه الأخيرة أجلا للخلاص لا يتجاوز العام وذلك بمقتضى إذن على العريضة. وفي هذه الحالة تضاف المبالغ المستحقة لفائدة الشركة  تجاه المحيل الفوائض القانونية الجاري بها العمل في المادة التجارية.

 

6

7

Toutefois, le capital social ne peut être réduit en dessous du montant édicté à l'article 92 du présent code.

غير أنه لا يمكن تخفيض رأس مال الشركة إلى أقل من المقدار المنصوص عليه بالفصل 92 من هذه المجلة.

7

8

Si, à l'expiration du délai imparti, aucune des solutions prévues au présent article n'est intervenue, l'associé pourra réaliser la cession initialement prévue.

وإذا إنقضى الأجل المحدد دون حصول أي حل من الحلول المنصوص عليها ضمن هذا الفصل يمكن للشريك إتمام الإحالة المشار إليها في بادئ الأمر، وأي شرط وارد بالعقد التأسيسي مخالف للأحكام المذكورة أعلاه يعتبر لاغيا. غير أنه يمكن للعقد التأسيسي أن ينص على تحديد الإحالة بشروط أقل صرامة من تلك المنصوص عليها بهذا الفصل.

8

 

9

Toute clause statutaire contraire aux dispositions ci­-dessus est réputée non avenue.

10

Toutefois, les statuts peuvent prévoir une limitation de la cessibilité, sans que les conditions en soient plus sévères que celles énoncées au présent article.

11

Cependant les statuts pourront prévoir une abréviation des délais et une réduction de la majorité requise.

كما يمكن التنصيص بالعقد التأسيسي على إختصار الآجال والتخفيض من الأغلبية المطلوبة.

9

 

1. Cas des cessions de parts entre associés

L’article 109 du CSC ne traite pas spécialement des cessions de parts entre associés. On pourrait en déduire qu’aucune limitation ne peut entraver la liberté pour les associés de céder leurs parts entre eux.

Cette affirmation trouve son fondement dans le fait que la cession entre associés « ne porte pas véritablement atteinte au caractère fermé de la société[11] »  puisque « le cessionnaire est déjà connu des autres associés et que l’opération a pour seule conséquence de modifier les conditions dans lesquelles les parts sociales sont réparties[12] ».

2. Cas des cessions au profit des tiers

L’article 109 du CSC prévoit une procédure spéciale pour les transmissions de parts bénéficiant aux tiers. Cette procédure essaie de concilier entre deux impératifs majeurs : D’une part, le caractère fermé de la SARL qui exige de ne pas porter atteinte à l’« intuitus personae » par l’intrusion de personnes indésirables dans le cercle des associés et d’autre part le droit pour un associé de transmettre ses parts.

a) La notion de cession

Cette notion englobe la « vente » des parts à titre onéreux, la donation, l’échange, l’apport en société. Mais lorsque les parts sont détenues par une personne morale qui a été absorbée ou qui a fait l’objet d’une opération de scission, on peut s’interroger si la société absorbante ou bénéficiaire des apports en cas de scission doit être régie par les dispositions de l’article 109 du CSC ?

La jurisprudence française répond par la négative en considérant qu’en pareil cas la transmission des parts est faite directement de la société ancienne à la société nouvelle par voie de dévolution de patrimoine ; elle ne peut donc être considérée comme une cession isolée faite à un tiers et, dès lors, ne peut donc être soumise aux formalités prévues pour de telles cessions[13]. Néanmoins, la doctrine s’accorde à considérer que les statuts peuvent valablement inclure dans le domaine de l’agrément, les transmissions de parts consécutives à des opérations de fusion ou de scission arguant qu’ « aucun intérêt d’ordre public ne paraît en effet, limiter la liberté pour les associés d’étendre la procédure d’agrément à des opérations autres que les cessions, mais qui comme elles, se traduisent par l’entrée de nouveaux associés dans la société[14] ».

b) La notion de tiers

Les tiers désignent les personnes non-associées[15]. On peut s’interroger si les opérations de succession ou de cession soit à un conjoint, soit à un ascendant ou à un descendant sont assimilées juridiquement à des cessions effectuées au profit des tiers donc entrant dans le champ d’application de l’article 109 du CSC.

Aucune réponse expresse n’est énoncée par le législateur.

La doctrine considère que la cession effectuée au profit de conjoints ou de parents en lignée directe « ne porte pas autant atteinte au caractère fermé de la société que la cession à un tiers et (…) qu’on peut admettre que les membres d’une même famille ne forment, dans une certaine mesure, qu’une seule personne[16] ».

Une comparaison avec les dispositions de l’article 321 du CSC énonçant la possibilité pour les sociétés anonymes de prévoir l’agrément des tiers cessionnaires d’actions pourrait nous conduire à considérer que les transmissions de parts sociales aux proches (héritiers, conjoint, ascendants ou descendants) s’assimilent à des cessions au profit de tiers. En effet, l’article 321 du CSC[17] et en excluant d’une manière expresse les proches du champ de mise en œuvre des clauses d’agrément semble admettre la qualification de ces personnes comme « tiers ».

c) La demande d’agrément

L’associé cédant doit demander l’agrément du tiers cessionnaire des parts sociales en notifiant le projet de cession :

- à la société et ;

-  à chacun des associés.

Le contenu du projet de cession et la forme de notification peuvent être fixés au niveau du pacte social[18].

La jurisprudence française a admis que le projet de cession puisse être notifié à la société et aux associés soit par le cédant soit par le cessionnaire[19].

d) Réponse des associés

La gérance doit provoquer une assemblée ou procéder à une consultation écrite en vue d’appeler les associés à se prononcer sur l’agrément du tiers à qui la cession est proposée au niveau du projet de cession.

L’agrément est obtenu par le consentement de la majorité des associés représentant au moins les trois quarts du capital social.

Il s’agit d’une double majorité (en nombre et en capital) au titre de laquelle l’associé cédant peut valablement voter.

Dans les SARL comprenant deux associés, la règle de la double majorité conduit à exiger l’unanimité des associés pour pouvoir agréer les cessions de parts sociales au profit des tiers.

L’agrément peut être tacite : Si la société n'a pas fait connaître sa décision dans le délai de trois mois à compter de la dernière notification du projet de cession, le consentement de la société est réputé acquis.

Il en découle que le refus d’agrément doit impérativement être formulé dans le délai de 3 mois à compter de la dernière notification du projet de cession.

e) Conséquences du refus d’agrément

En cas de refus d’agrément, deux alternatives sont offertes :

-      Ou bien, les parts dont la cession est envisagée sont achetées par un ou plusieurs associés ou par d’autres tiers agréés ;

-      Ou bien la société procède au rachat des parts et à une réduction du capital.

Ces deux solutions doivent intervenir dans le délai de trois mois à compter de la date de refus. Si, à l'expiration de ce délai imparti, aucune des deux solutions n’est intervenue, l'associé pourra réaliser la cession initialement prévue.

- Les parts sont achetées par un ou plusieurs associés ou par d’autres tiers agréés 

Dans ce cas, les associés sont tenus dans un délai de trois mois à compter de la date de ce refus, d'acquérir ou de faire acquérir les parts. Lorsqu’il est décidé de faire acquérir les parts par des tiers, il est impérieux d’obtenir la majorité des associés représentant au moins les trois quarts du capital social.

En cas de désaccord sur le prix de cession, ce dernier sera déterminé par un expert judiciaire, désigné soit par les parties, soit à la demande de la partie la plus diligente par ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal du lieu du siège social à la demande de la partie la plus diligente.

La loi ne règle pas le conflit qui pourrait s’élever entre deux ou plusieurs associés également désireux d’acheter les parts sociales du cédant dans les conditions légales. En l’absence de clauses statutaires de préemption, « la solution la plus juste consisterait à effectuer, si possible, une répartition proportionnelle ; à défaut, il faudrait procéder à un tirage au sort pour respecter l’égalité entre associés[20] ».

- Rachat par la société [21]

La société peut également, dans le même délai de trois mois à compter de la date de ce refus et avec le consentement express du cédant, racheter les parts au prix fixé selon les modalités ci-dessus et réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts cédées.

Le capital social ne doit pas être réduit au-dessous du minimum légal[22].

Le président du tribunal de première instance du lieu du siège social peut, sur ordonnance sur requête, accorder à la société un délai de paiement qui ne peut excéder un an. Dans ce cas les sommes dues par la société au cédant seront majorées des intérêts légaux en matière commerciale[23].

Il apparaît donc que la solution de rachat des parts par la société est moins favorable à l’associé puisqu’elle implique que la cession puisse ne pas être faite « au comptant ». Mais force est d’admettre que cette deuxième alternative requiert obligatoirement pour sa mise en œuvre, le consentement de l’associé cédant.

 

Le présent schéma essaie de récapituler la procédure prescrite par l’article 109 du CSC :

 

 

§ C. Les clauses statutaires de préemption

Comme on vient de le voir, l’intrusion des tiers peut être bloquée par le mécanisme juridique de l’agrément obligatoire des tiers cessionnaires de parts sociales.

Mais, les rapports de force entre associés qui ressortent de leur quotité de participation dans le capital peuvent être bouleversés par les cessions de parts sociales.

Pour illustrer ce fait supposons qu’une société comprenne 5 associés égalitaires (chacun détenant 20% des parts).

Lorsqu’un associé arrive à acheter les parts appartenant à deux de ses co-associés, sa participation remonte à 60% et pourra donc prendre toutes les décisions ordinaires (ex. nomination de gérant non statutaire, approbation des comptes, affectation des bénéfices etc.) ainsi que certaines décisions extraordinaires (ex. transformation en SA lorsque le capital excède 100.000 dinars, augmentation de capital par incorporation de réserves et primes).

Lorsqu’il arrive à acquérir les parts appartenant à trois de ses co-associés, sa participation remonte à 80% et pourra donc prendre toutes les décisions ordinaires et extraordinaires à l’exception de celle relative à l’agrément des tiers non-associés cessionnaires de parts et de celles nécessitant l’unanimité des associés.

Pour éviter de tels bouleversements d’équilibres, il est possible, et sous réserve d’une confirmation jurisprudentielle, que soit insérée une clause de préemption permettant à tous les associés de préempter sur les parts cédées.

Une telle clause statutaire règle les relations entre associés sans enfreindre à la liberté de cession des parts sociales entre associés.

Ainsi, le pacte social pourra prévoir que les parts cédées doivent être réparties entre les associés. Dans notre exemple, lorsqu’un associé désire quitter la société, sa participation est répartie entre les autres associés restant. Si tous les associés décident de préempter, leur participation passera de 20% à 25% (20%+5%). Aussi, ils demeureront égalitaires.

La clause de préemption peut avoir un autre objectif. Elle peut permettre à un associé ou groupe d’associés de renforcer leur participation dans le capital. Dans ce cas, le pacte social les désignera comme acquéreurs préférentiels des parts. Dans cette hypothèse, la clause de préemption donne la faculté à son bénéficiaire d'augmenter sa participation actuelle dans la société en se portant acquéreur des parts en passe d'être cédées.

§ D. Les effets de la cession

1. A l’égard du cessionnaire

Les effets de la cession sont ceux de la vente et le cessionnaire est subrogé au cédant dans les droits et devoirs rattachés à la propriété des parts.

A compter du jour où la cession est devenue opposable, le cessionnaire est en droit d’exercer les prérogatives rattachées à la qualité d’associé de la SARL (droit d’information, droit de demander à la justice la convocation d’une assemblée, droit de faire partie de la société, droit de vote, etc.)

Concernant le droit aux dividendes rattachés aux parts sociales cédées, les parties prennent souvent le soin de préciser leur sort dans l’acte de cession.

A défaut de l’avoir précisé dans l’acte de cession et sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, les parts sociales sont cédées « coupon attaché »

2. A l’égard du cédant

Lorsque le cédant cède la totalité des parts qu’il détenait, la cession a pour effet de le priver de la qualité d’associé donc de toutes les prérogatives rattachées à cette qualité.

Cependant, le cédant reste tenu des cautionnements qu’il a accordés au profit des tiers pour garantir des engagements sociaux sous réserve d’un accord contractuel mettant de tels engagements à la charge du cessionnaire.

Si les statuts comprennent une clause de non concurrence, le cédant est tenu dans les limites de l’engagement qu’il a souscrit lorsqu’il a été associé.

3. Les clauses de garantie de passif

Dans la pratique, les actes relatifs à des transactions importantes portant sur les parts sociales contiennent généralement des clauses de garantie de passif. Par une telle clause, le cédant s’engage à prendre à sa charge tous les passifs révélés postérieurement à la transaction (ex. passifs nés de redressements fiscaux, CNSS etc.)

La clause de garantie peut couvrir non seulement les passifs révélés, mais également les diminutions dans la valeur des actifs.

Section 3. Le nantissement et la saisie des parts sociales

§ A. Nantissement (ou gage) 

1. Effets du nantissement

Les parts sociales peuvent être données en nantissement au profit d’un créancier de l’associé.

Tant que la vente forcée des parts n’est pas intervenue, le titulaire des parts nanties exerce normalement toutes les prérogatives rattachées aux parts.

2. Agrément des créanciers nantis

Est-ce que le créancier de l’associé doit être agréé préalablement à l’opération de nantissement lorsqu’il n’a pas la qualité d’associé ?

Le législateur n’a pas donné une réponse à cette question. Selon la jurisprudence française, le défaut de notification du projet de nantissement ou le refus de la société de consentir au nantissement n’empêcherait pas absolument l’opération[24]. Dans ce cas, l’adjudicataire reste soumis à l’obligation de demander son agrément (cf. infra).

Il est toujours possible que l’associé soumette aux associés le projet de nantissement en vue de son agrément dans les conditions de l’article 109 du CSC. Une telle procédure a l’avantage de sécuriser le créancier. En effet, le consentement des associés obtenu à la majorité des associés représentant au moins les trois quarts du capital social emportera agrément du cessionnaire en cas de réalisation forcée des parts nanties[25].

L’information de la société de l’opération de nantissement et son inscription sur le registre des associés prévu par l’article 111 du CSC semble obligatoire. En effet, l’article 221 du Code des Droits Réels dispose « A l’égard des actions, parts d’intérêts et obligations  nominatives des sociétés dont la transmission s’opère par un transfert sur leurs registres, le gage peut également être constitué par un transfert à titre de garantie, inscrit sur ces registres ».

§ B. Saisie et vente forcée des parts sociales

1. Saisie des parts sociales

Le créancier d’un associé peut saisir les parts détenues par son débiteur et les faire vendre. La saisie se fait entre les mains de la société (Article 407 CPCC).

La société entre les mains de laquelle a été faite , la saisie-arrêt est tenue de fournir à l'huissier notaire chargé de la vente des parts, l'inventaire et le bilan  de son dernier exercice. Ces documents pourront, être consultés entre les mains de l'huissier- notaire, avant l'adjudication. En tout état de cause, la société pourra arrêter les poursuites en payant les causes de la saisie, pour le compte du débiteur (Article 407 CPCC).

2. Agrément de l’adjudicataire des parts sociales

Suite à la modification apportée à l’article 409 du Code de Procédure Civile et Commerciale par la loi n° 2002-82 du 3 août 2002 modifiant et ajoutant quelques articles au CPCC, l’adjudicataire non-associé doit informer la société du résultat de l’enchère et demander son agrément en qualité d’associé.

L'agrément est réputé légalement acquis si la société ne notifie pas à l'adjudicataire la décision de refus d'agrément dans le délai prévu par l'acte constitutif de la société, sans que ce délai ne puisse dépasser un mois à compter de la demande.

Si la société fait savoir, dans le délai ci-dessus indiqué, qu'elle refuse d'agréer l'adjudicataire, elle doit, dans le mois suivant la notification de ce refus, trouver un acquéreur pour les parts sociales adjugées parmi les associés ou les tiers, ou réduire son capital et acheter les titres adjugés sur la base du prix de l'adjudication, majoré des frais.

A défaut de solution dans le délai fixé et si le prix et les frais ne sont pas versés à l'adjudicataire, l'agrément de celui-ci est réputé être légalement acquis.

Notons enfin que les dispositions de l’article 409 nouveau du CPCC sont impératives. Cet article répute non avenue toute clause contraire.

 


 


[1] La mention de libération doit être portée au niveau du pacte social. A cet effet, l’article 97 du CSC dispose « La société à responsabilité limitée n'est constituée définitivement que lorsque les statuts mentionnent que toutes les parts représentant des apports en numéraire ou en nature, ont été réparties entre les associés et que leur valeur a été totalement libérée ».

[2] L'article premier de la loi n° 2000-35 du 21 mars 2000 relative à la dématérialisation des titres dispose « Sont considérées comme valeurs mobilières, les actions, les actions à dividende prioritaire sans droit de vote, les certificats d'investissements, les titres participatifs, les obligations, les obligations convertibles en actions, les parts dans les fonds communs de placement en valeurs mobilières, les droits rattachés aux valeurs mobilières et les autres instruments financiers négociables sur des marchés organisés ».

[3] Association Henri CAPITAN, Vocabulaire juridique, publié sous la direction de Gérard CORNU, Editions DELTA BEYROUTH & PUF

[4] Néanmoins, la cession des valeurs mobilières émises par les sociétés anonymes doit, à peine de nullité, être enregistrée en bourse.

[5] Y. GUYON, Droit des affaires, Tome 1, Droit commercial général et sociétés, Editions Economica, 9ème édition, 1996

[6] Sur les légalisations de signatures, v. Loi n° 94-103 du 1er août 1994, portant organisation de la légalisation de signature et de la certification de conformité des copies à l’original telle que modifiée par la loi n° 99-19 du 1er mars 1999

[7] Aux termes de l’article 111 du CSC, un registre des associés est tenu au siège social sous la responsabilité du gérant, où sont obligatoirement consignées les mentions suivantes :

1) l'identité précise de chaque associé et le nombre de parts lui appartenant.

2) l'indication des versements effectués.

3) les cessions et transmissions de parts sociales avec mention de la date de l'opération et son enregistrement en cas de cession entre vifs.

[8] En droit français, la signification peut être effectuée :

-       dans les formes prévues à l'article 1690 du Code civil (signification par huissier ou acceptation par la société dans un acte notarié)

-       par le dépôt d'un original de l'acte de cession au siège social contre remise par le gérant d'une attestation de ce dépôt.

[9] L’article 109 du CSC évoque seulement une « notification » du projet de cession sans préciser la nature et la forme de cette notification.

[10] Cass. com. 23 juin 1987, Bull. Joly 1987.632 ; Rapporté in Mémento pratique, sociétés commerciales, Editions Francis Lefebvre, 1998, § 1070

[11] Y. GUYON, op. cit., p. 527, P. MERLE, Droit commercial, Sociétés commerciales, Editions DALLOZ, p. 211

[12] Y. GUYON, op. cit., p. 527

[13] Cass. com. 19 avril 1972, D. 1972.538 ; Rapporté in Mémento pratique, sociétés commerciales, Editions Francis Lefebvre, 1998, § 1073

[14] Mémento pratique, sociétés commerciales, Editions Francis Lefebvre, 1998, § 1073

[15] Ce fait a été confirmé par le ministère dans le cadre des travaux préparatoires ayant précédé la promulgation du CSC (JORT, Débats de la Chambre des Députés, Session 2001-2000, N° 4, mardi 31 octobre, p. 87) :

السؤال 135 : تطلب اللجنة توضيح المقصود بعبارة "إلى غيرهم" الواردة في السطر الأول: فهل المقصود إلى غيرهم من الشركاء أم من خارج المساهمين في الشركة ؟

الجواب : من الجلي أن المقصود هو إحالة الحصص إلى غير الشركاء أي إلى من لم يكن شريكا.

[16] Y. GUYON, op. cit., p. 528

[17] L’article 321 du CSC dispose « Sauf en cas de succession ou de cession soit à un conjoint, soit à un ascendant ou à un descendant, la cession à un tiers d'actions émises par une société ne faisant pas appel public à l’épargne, peut être soumise à l’agrément de la société par une clause statutaire ».

[18] Dans le cadre des travaux préparatoires ayant précédé la promulgation du CSC (JORT, Débats de la Chambre des Députés, Session 2001-2000, N° 4, mardi 31 octobre, p. 87), le ministère a précisé ce qui suit concernant la forme de la notification :

لا يقتصر التبليغ على طريقة دون أخرى، ولا نرى موجبا للتشدد بإشتراط شكل دون آخر، فالمراد هو أن يكون التبليغ ثابتا سواء كان ذلك بواسطة مكتوب مضمون الوصول أو بواسطة عدل التنفيذ، أو حتى بالتبليغ المباشر الذي يبقى أثرا ثابتا بيد المبلغ.

[19] Com. 21 mars 1995, Rev. Soc. 1996, P. 799, note Chartier ; Rapporté par J. MESTRE, M.E. PANCRAZI, Droit commercial, Editions LGDJ, 25e édition, 2001, p. 286

[20] G. RIPERT, op. cit., p. 679

[21] En principe, le rachat par la SARL de ses propres titres est interdit par la Loi. La situation prévue par l’article 109 du CSC est la seule exception à ce principe. Dans la société anonyme, le rachat est admis par la loi n° 94-117 du 14 novembre 1994 portant  réorganisation du marché financier  telle que modifiée par la loi n° 99-92 du 17 août 1999 relative à la relance du marché financier : D’abord l’article 19 de cette loi autorise sous certaines conditions, les sociétés cotées à racheter leurs actions en vue de réguler leur cours boursier. Ensuite, l’article 88 de la loi susvisée permet à l'assemblée générale extraordinaire qui décide une réduction du capital non motivée par des pertes d’autoriser le conseil d'administration, pendant une période déterminée à acheter un nombre d'actions en vue de leur annulation.

[22] Aux termes de l’article 92 du CSC « Le capital de la société ne peut être inférieur à dix mille dinars. Il ne peut être réduit au-dessous de ce montant. Toutefois, le capital des sociétés à responsabilité limitée qui gèrent des entreprises de presse ne peut être inférieur à cinq mille dinars ».

[23] En matière commerciale, le taux d’intérêt légal est égal au taux maximum des découverts bancaires, fixé par la Banque Centrale majoré d’un demi-point (v. article 1100 du Code des Obligations et des Contrats).

[24] Cass. com. 3 octobre 1978, Bull. cass., 1978.4, n° 211 ; Rapporté par G. RIPERT, Traité élémentaire de droit commercial, Tome 1, 12e édition par R. ROBLOT, Editions LGDJ, 1986, p. 675

[25] Le législateur adopte une solution identique pour la société anonyme. L’article 324 du CSC dispose « Si la société a approuvé le nantissement d'actions aux conditions fixées à l’article 321 du présent code, le consentement emporte agrément du cessionnaire en cas de réalisation forcée des actions nanties ».