Chapitre 7 :

Les augmentations de capital dans la SA

Sommaire

 

Textes de base (CSC)

Section 1 : Règles communes à toutes les augmentations de capital

§ A. Condition préalable de libération intégrale du capital avant toute nouvelle émission

1. La condition préalable s’applique à toutes les augmentations du capital

2. Que faut-il entendre par « la libération intégrale du capital » ?

3. Que faut-il entendre par « émission de nouvelles actions » ?

4. La condition préalable de libération du capital ne s’applique en cas d’augmentation de la valeur nominale des actions

§ B. Décision d’augmentation du capital

1. Organe compétent

2. Délégation au conseil d’administration

3. Quorum et majorité

4. Publicité de la décision

§ C. Procédés d’augmentation du capital

1. L’émission d’actions nouvelles

2. L’élévation de la valeur nominale des actions

3. Les primes d’émission, d’apport ou de fusion

Section 2 : Les augmentations de capital en numéraire

§ A. Le droit préférentiel de souscription

1. Délai d’exercice du droit préférentiel de souscription

2. L’exercice du droit préférentiel de souscription

3. La valeur du droit préférentiel de souscription

4. Cession du droit préférentiel de souscription

5. Renonciation à titre individuel au droit préférentiel de souscription

6. La suppression du droit préférentiel de souscription

7. Cas particuliers

8. Cas d’émission de valeurs mobilières autres que les actions ordinaires

§ B. La souscription des actions nouvelles

1. La souscription à titre irréductible et à titre réductible

2. L’établissement de bulletins de souscription

3. L’insuffisance des souscriptions

4. La déclaration de souscription

§ C. Libération des actions souscrites

1. Montant à libérer au moment de la souscription

2. Dépôt des fonds provenant des souscriptions

3. Libération par compensation

4. La preuve des libérations

§ D. Réalisation définitive de l’augmentation du capital

Section 3 : L’augmentation du capital par incorporation de réserves, primes ou bénéfices

§ A. Conditions de réalisation

1. Décision d’augmentation

2. Montants susceptibles d’être incorporés

3. Cas où la société aurait émis des obligations convertibles en actions

§ B. Modalités de réalisation

1. Création de nouvelles actions

2. Elévation de la valeur nominale des actions

Section 4 : L’augmentation du capital en nature

§ A. Commissariat aux apports

1. Règles de désignation

2. Rôle du commissaire aux apports

§ B. Réalisation de l’augmentation du capital

1. Inexistence d’un droit préférentiel de souscription

2. Acte (ou convention) d’apport

3. Décision de l’assemblée

4. Réduction de l’évaluation des apports

5. Actions d’apport

Section 5 : L’augmentation du capital par conversion d’obligations convertibles en actions

§ A. Epoque de conversion

§ B. Modalités de conversion

 


 

Textes de base (CSC)

 

Article 292. L'augmentation du capital social pourra être réalisée par (émission de nouvelles actions ou par l'augmentation de la valeur nominale de celles existantes.

Les nouvelles actions peuvent être libérées en numéraire, par compensation de créances certaines, échues et dont le montant est connu par la société, par incorporation de réserves, de bénéfices et des primes d'émission, par des actions d'apport ou par conversion d'obligations. .

L'augmentation du capital social par majoration de la valeur nominative des actions est décidée à (unanimité des actionnaires, sauf si (augmentation a été réalisée par incorporation des réserves, des bénéfices ou des primes d'émission.

الفصل 292. يمكن الرفيع في رأس مال الشركة بإصدار أسهم جديدة أو بالترفيع في القيمة الإسمية للأسهم الموجودة.

ويقع تحرير الأسهم الجديدة إما نقدا أو بتعويضها بديون مالية ثابتة، حل أجلها ومعلومة المقدار بالنسبة إلى الشركة أو بإدماج المدخرات والمرابيح ومكافآت الإصدار أو بحصص عينية أو بإستبدال رقاع.

ويقرر الترفيع في رأس مال الشركة بالزيادة في القيمة الإسمية للأسهم بإجماع المساهمين إلا إذا كان الترفيع قد تحقق بإدماج مدخرات ومرابيح أو مكافآت إصدار.

Article 293. L'augmentation du capital social doit être décidée par l'assemblée générale extraordinaire dans les conditions prévues par la loi, sauf stipulation contraire des statuts et à condition qu'il ne contredise les dispositions légales impératives.

La publication de cette décision se fait conformément aux dispositions de (article 163 du présent code.

الفصل 293. يقع الترفيع في رأس مال الشركة بقرار من الجلسة العامة الخارقة للعادة وفق الشروط المنصوص عليها بهذه المجلة إلا إذا إقتضى شرط بالعقد التأسيسي خلاف ذلك ما لم يتناف هذا الشرط مع الأحكام القانونية الآمرة.

ويتم إشهار هذا القرار وفق أحكام الفصل 163 من هذه المجلة.

Article 294. L'assemblée générale extraordinaire peut déléguer au conseil d'administration ou au directoire les pouvoirs nécessaires à l'effet de réaliser (augmentation du capital en une ou plusieurs fois, d'en fixer les modalités, d'en constater la réalisation et de procéder à la modification corrélative des statuts.

L'augmentation du capital doit être réalisée dans un délai maximum de cinq ans à dater de la décision prise ou autorisée par l'assemblée générale extraordinaire.

Toutefois, la libération du quart de (augmentation du capital social doit intervenir dans un délai de six mois à compter de (assemblée générale extraordinaire qui fa décidé. A défaut, la décision d'augmentation du capital sociale est nulle.

Est réputé non avenue, toute clause statutaire conférant au conseil d'administration ou au directoire le pouvoir de décider l'augmentation du capital.

الفصل 294. يمكن للجلسة العامة الخارقة للعادة أن تفوض لمجلس الإدارة أو هيئة الإدارة الجماعية السلطات اللازمة لغرض تحقيق الزيادة في رأس المال مرة أو عدة مرات مع تحديد طرق إجراء تلك الزيادة ومعاينة تحقيقها وتنقيح العقد التأسيسي بما يلائم ذلك.

ويجب أن تتحقق الزيادة في رأس مال الشركة في أجل أقصاه خمس سنوات من تاريخ القرار المتخذ من الجلسة العامة الخارقة للعادة أو الترخيص فيها.

غير أنه يجب تسديد ربع الزيادة في رأس مال الشركة في أجل أقصاه ستة أشهر بداية من تاريخ الجلسة العامة الخارقة للعادة التي قررتها وعند التعذر فإن قرار الزيادة في رأس مال الشركة يصبح لاغيا.

ويعتبر لاغيا كل شرط بالعقد التأسيسي يخول لمجلس الإدارة أو لهيئة الإدارة الجماعية سلطة إتخاذ قرار الزيادة في رأس المال.

Article 295. Le capital social doit être intégralement libéré avant toute émission de nouvelles actions à peine de nullité. Cette libération doit être faite en numéraire.

الفصل 295. يجب تحرير رأس مال الشركة كليا قبل كل إصدار لأسهم جديدة ويجب أن تحرر هذه الأسهم نقدا وإلا كانت العملية باطلة.

 

Article 296. Les actionnaires ont, proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation du capital. Toute clause contraire est réputée non avenue.

Pendant la durée de la souscription, le droit préférentiel de souscription est négociable lorsqu'il est détaché des actions elles‑mêmes négociables.

Dans le cas contraire, le droit préférentiel est cessible dans les mêmes conditions prévues pour faction elle-­même.

Les actionnaires peuvent renoncer à titre individuel à leur droit préférentiel de souscription.

الفصل 296. يكون للمساهمين على نسبة مقدار الأسهم التي يملكونها حق الأفضلية في الإكتتاب بالأسهم النقدية التي يتم إصدارها لتحقيق زيادة في رأس المال وكل شرط مخالف لذلك يعتبر لاغيا.

ويكون حق الأفضلية في الإكتتاب خلال مدة الإكتتاب قابلا للتداول إذا كانت منفصلا عن الأسهم التي هي بنفسها قابلة للتداول.

وفي الحالة المخالفة يكون ذلك الحق قابلا للإحالة بنفس الشروط المقررة للسهم ذاته.

وللمساهمين التنازل بصفة فردية عن حقهم في الأفضلية في الإكتتاب.

 

Article 297. Si certains actionnaires n'ont pas souscrit les actions pour lesquelles l'article précédent leur donnait un droit de préférence, les actions ainsi non‑souscrites seront attribuées aux actionnaires qui auront souscrit un nombre d'actions supérieur à celui qu'ils pouvaient souscrire à titre préférentiel, proportionnellement à leurs parts dans le capital, et dans la limite de leurs demandes.

الفصل 297. إذا كان بعض المساهمين لم يكتتبوا بالأسهم التي تخول لهم بمقتضى الأحكام التي سبق ذكرها حق الأفضلية فإن الأسهم غير المكتتب بها تسند للمساهمين الذين إكتتبوا بعدد من الأسهم يتجاوز العدد الذي كان يجوز لهم الإكتتاب به على وجه الأفضلية كل منهم بنسبة ما يملكه من رأس المال وبقدر ما طلبه.

 

Article 298. Si les souscriptions réalisées n'atteignent pas la totalité de (augmentation du capital social:

1) le montant de l'augmentation du capital social peut être limité au montant des souscriptions sous la double condition que celui‑ci atteigne les trois quarts au moins de l’augmentation décidée et que cette faculté ait été prévue expressément par l'assemblée générale extraordinaire qui a décidé ladite augmentation.

2) les actions non souscrites peuvent être totalement ou partiellement redistribuées entre les actionnaires, à moins que l'assemblée générale extraordinaire en ait décidé autrement.

3) les actions non souscrites peuvent être offertes au public totalement ou partiellement, lorsque l’assemblée générale extraordinaire a expressément admis cette possibilité.

الفصل 298. إذا لم تبلغ جملة الإكتتابات المحققة مجموع الزيادة في رأس مال الشركة :

يمكن حصر مقدار الزيادة في رأس مال الشركة في حدود مقدار الإكتتاب الحاصلة بشرط أن يبلغ هذا الأخير على الأقل ثلاثة أرباع الزيادة المقررة وأن تكون الجلسة العامة الخارقة للعادة التي قررت الزيادة المذكورة قد نصت صراحة على هذه الإمكانية.

يجوز إعادة توزيع الأسهم التي لم يقع إكتتابها، كليا أو جزئيا بين المساهمين إلا إذا قررت الجلسة العامة الخارقة للعادة خلاف ذلك.

يمكن عرض الأسهم التي لم يقع إكتتابها للعموم. كليا أو جزئيا، إذا قبلت الجلسة العامة الخارقة للعادة صراحة هذه الإمكانية.

 

Article 299. Le conseil d'administration ou le directoire peut utiliser dans l’ordre qu'il détermine les facultés prévues à (article 298 du présent code ou certaines d'entre elles seulement.

L'augmentation du capital social n'est pas réalisée lorsque après l’exercice de ces facultés le montant des souscriptions libérées n'atteint pas la totalité de l’augmentation de capital ou les trois quarts de cette augmentation dans le cas prévu à l'article précédent.

Toutefois, le conseil d'administration ou le directoire peuvent, d'office et dans tous les cas, limiter l'augmentation du capital au montant de la souscription lorsque les actions non souscrites représentent moins de cinq pour cent de l'augmentation de capital.

Toute décision contraire du conseil d'administration ou du directoire est réputée non avenue.

الفصل 299. يمكن لمجلس الإدارة أو هيئة الإدارة الجماعية إستعمال الإمكانات المنصوص عليها بالفصل 298 من هذه المجلة أو البعض منها فقط حسب الترتيب الذي يحدده.

ولا تتحقق الزيادة في رأس مال الشركة إذا لم يبلغ بعد ممارسة هذه الإمكانيات مقدار الإكتتابات المقبوضة مجموع الزيادة في رأس المال أو ثلاثة أرباع هذه الزيادة في الحال المنصوص عليها بالفصل السابق.

غير أنه يمكن لمجلس الإدارة أو هيئة الإدارة الجماعية بصفة آلية وفي جميع الحالات حصر الزيادة في رأس المال في مقدار الإكتتاب إذا كانت الأسهم التي لم يقع إكتتابها تمثل أقل من خمسة بالمائة من الزيادة في رأس المال.

وكل قرار مخالف من مجلس الإدارة أو هيئة الإدارة الجماعية يعتبر لاغيا.

Article 300. L'assemblée générale extraordinaire qui décide ou autorise une augmentation du capital social peut supprimer le droit préférentiel de souscription pour la totalité de l'augmentation du capital ou pour une ou plusieurs parties de cette augmentation.

Elle approuve, obligatoirement et à peine de nullité de l'augmentation, le rapport du conseil d'administration ou du directoire et celui des commissaires aux comptes relatif à l’augmentation du capital et à la suppression dudit droit préférentiel.

الفصل 300. يمكن للجلسة العامة الخارقة للعادة التي تقرر أو ترخص في زيادة رأس مال الشركة أن تحذف حق الأفضلية في الإكتتاب في مجموع الزيادة في رأس المال أو في جزء أو عدة أجزاء من هذه الزيادة.

وتصادق وجوبا الجلسة المذكورة على تقرير مجلس الإدارة أو تقرير هيئة الإدارة الجماعية وتقرير مراقبي الحسابات المتعلق بالزيادة في رأس المال ويحذف حق الأفضلية المذكور وإلا تعتبر الزيادة باطلة.

Article 301. Le délai d'exercice du droit de souscription d'actions de numéraire ne peut en aucun cas être inférieur à quinze jours.

Ce délai court à partir de la date à laquelle est annoncée au Journal Officiel de la République Tunisienne aux actionnaires le droit préférentiel dont ils disposent ainsi que la date d'ouverture de la souscription et la date de sa clôture et de la valeur des actions lors de leur émission.

الفصل 301. لا يمكن أن تكون المدة المخصصة للمساهمين بالإكتتاب في زيادة رأس المال الحاصلة بطريقة إصدار أسهم نقدية في أية حالة أقل من خمسة عشر يوما.

وتبتدئ هذه المدة من التاريخ الذي يعلن فيه المساهمين بالرائد الرسمي للجمهورية التونسية عن حق الأفضلية الذي يملكونه وعن تاريخ إفتتاح الإكتتاب وختمه وقيمة الأسهم عند إصدارها.

 

Article 302. Avant l'ouverture de la souscription, ‑ la société accomplit les formalités de publicité prévues à l'article 163 et suivants du présent code.

الفصل 302. قبل فتح الإكتتاب تقوم الشركة بإجراءات الإشهار التي نص عليها الفصل 163 وما بعده من هذه المجلة.

Article 303. Le contrat de souscription est constaté par un bulletin de souscription, établi dans les conditions déterminées par les articles 167, 169, 178 et suivants du présent code.

الفصل 303. يثبت عقد الإكتتاب ببطاقة إكتتاب توضع طبق الشروط المحددة بالفصول 167 و169 و178 وما بعده من هذه المجلة.

 

Article 304. Les souscriptions et les versements effectués aux fins de la participation lors de l'augmentation du capital social sont constatés par un certificat délivré par l'établissement auprès duquel les fonds sont déposés, sur présentation des bulletins de souscription.

الفصل 304. يحصل إثبات الإكتتاب وعمليات التحرير للمساهمة المقررة عند الترفيع في رأس مال الشركة بشهادة من المؤسسة المودعة لديها الأموال مقابل تقديم بطاقات الإكتتاب.

 

Article 305. La preuve du versement du montant des actions en compensation des créances échues sur la société est établi par un certificat délivré par le conseil d'administration et approuvé par le commissaire aux comptes. Ce certificat tient lieu de certificat visé à l'article 304 du présent code.

الفصل 305. يثبت دفع الأسهم مقابل تعويض الديون المالية التي حل خلاصها على الشركة بواسطة شهادة صادرة عن مجلس الإدارة مصادق عليها من قبل مراقب الحسابات وتقوم هذه الشهادة مقام البطاقة المنصوص عليها بالفصل 304 من هذه المجلة.

Article 306. En cas d'apport en nature, un ou plusieurs commissaires aux apports sont désignés à la demande du conseil d'administration ou du directoire conformément aux dispositions de l'article 173 du présent code.

L'assemblée extraordinaire délibère sur l'évaluation des apports en nature. Si cette approbation a lieu, elle déclare la réalisation de l'augmentation du capital. Si l'assemblée réduit l'évaluation de l'apport en nature, l'approbation expresse de l'apporteur est requise.

A défaut, l'augmentation du capital n'est pas réalisée. Les actions d'apport doivent être intégralement libérées dès leur émission.

الفصل 306. يعين مراقب أو عدة مراقبي حصص بطلب من مجلس الإدارة أو هيئة الإدارة الجماعية طبق أحكام الفصل 173 من هذه المجلة وذلك في حالة وجود مساهمة عينية.

وتصادق الجلسة العامة الخارقة للعادة على تقدير الحصص العينية ومتى تم ذلك فإنها تصرح بتحقيق الترفيع في رأس المال وإذا قامت تلك الجلسة بالتخفيض في تقدير الحصص العينية فإنه يشترط المصادقة الصريحة للمساهم بها.

ولا يتحقق الترفيع في رأس المال في غياب ذلك. وتحرر جميع الأسهم المتعلقة بالحصص العينية كاملة عند إصدارها.

 


 

 

Chapitre 7 :

Les augmentations de capital dans la SA

« Le principe de la fixité du capital n'a jamais mis obstacle à l'augmentation de celui-ci. En effet cette opération ne présente que des avantages.

Dans tous les cas, elle augmente la garantie des créanciers sociaux. De plus, lorsqu'elle se réalise par apports de nouveaux éléments d'actif, elle accroît les fonds propres de la société. Or, dans l'ensemble, les entreprises manquent de fonds propres, ce qui entraîne leur vulnérabilité financière. Il vaut mieux financer les investissements par des augmentations de capital que par des emprunts.

Mais les augmentations de capital supposent une modification des statuts. Ce sont par conséquent des opérations relativement complexes[1] ».

Section 1 : Règles communes à toutes les augmentations de capital

§ A. Condition préalable de libération intégrale du capital avant toute nouvelle émission

Aux termes de l’article 295 du CSC, le capital social doit être intégralement libéré avant toute émission de nouvelles actions à peine de nullité. Cette libération doit être faite en numéraire.

1. La condition préalable s’applique à toutes les augmentations du capital

La condition édictée par l’article 295 du CSC  s’applique à toutes les augmentations du capital qu’elles soient en numéraire, en nature, par incorporation de bénéfices, réserves ou primes ou par conversion de créances ou d’obligations.

En droit français, l’article 182 de la loi du 24 juillet 1966 limite l’obligation de libération intégrale du capital social aux seules émissions en numéraire.

D’ailleurs, cette position est plus logique car la société doit réclamer à ses actionnaires la libération de leurs actions avant de les inviter à effectuer de nouveaux apports. Or, dans une augmentation par incorporation de réserves, les actionnaires ne seront pas appelés à effectuer de nouveaux apports.

Plus restrictive parce qu’elle s’applique à toutes les augmentations du capital, la position du droit tunisien n’est pas sans causer de réelles difficultés pratiques :

ü D’abord, les sociétés dont le capital n’est pas entièrement libéré ne peuvent pas bénéficier du dégrèvement physique. En effet, le bénéfice de l’avantage du dégrèvement est subordonné à l’obligation d’incorporer les bénéfices défiscalisés au capital social.

ü Ensuite, cette disposition pose des difficultés matérielles lorsque la société compte émettre des obligations convertibles en actions et lorsque son capital est partiellement libéré. Notons qu’une telle émission n’est possible que si le produit qui en résulte sera affecté au remboursement des titres de créances résultant d'une émission antérieure. En effet, l’article 12 du CSC interdit aux sociétés commerciales dont le capital social n'a pas été totalement libéré, d'émettre des titres d'emprunt en dehors de cette hypothèse. Lorsque la société émet des obligations convertibles, que le produit qui en résulte sera affecté au remboursement des titres de créances résultant d'une émission antérieure et que son capital n’est pas entérinement libéré, les obligations ne pourront être converties qu’une fois le capital est intégralement libéré.

ü Enfin, la société dont le capital est partiellement libéré et qui a réalisé des pertes ayant conduit à des fonds propres inférieurs à la moitié de son capital ne peut plus régulariser sa situation en procédant à une augmentation du capital conformément aux dispositions de l’article 388 du CSC. Dans le cas d’espèce, la société est obligée de réduire son capital social ! Si dans le cas d’espèces, le capital est égal au minimum légal, la réduction ne pourra pas être envisagée comme mesure de régularisation et il resterait la dissolution de la société comme unique alternative !

2. Que faut-il entendre par « la libération intégrale du capital » ?

Le fait que le législateur ait exigé une libération intégrale du capital avant de toute nouvelle augmentation du capital n’est pas sans soulever d’autres difficultés d’application. En effet, l’interprétation stricte du terme « intégralement libéré » conduit à exiger non seulement l’exécution forcée de tous les actionnaires défaillants mais également le versement effectif du montant des libérations. Il suffit donc qu’un actionnaire ne réponde pas aux appels de fonds du conseil d’administration pour bloquer toute nouvelle augmentation jusqu’à ce que cet actionnaire soit exécuté.

Mais à cette interprétation rigoureuse, on pourrait objecter les dispositions de l’article 326 du CSC qui prévoient la suspension du droit préférentiel de souscription pour les actionnaires défaillants mis en demeure. Comment peut-on suspendre le droit préférentiel de souscription alors que l’augmentation de capital ne peut être envisagée ?

La doctrine ne s’est pas accordée pour concilier les dispositions exigeant la libération intégrale du capital préalablement à toute augmentation du capital et celles suspendant le droit préférentiel de souscription pour les actionnaires défaillants.

Certains auteurs considèrent qu’il faudrait considérer que le capital est effectivement libéré dès lors que le conseil d’administration a procédé aux appels de fonds sur la totalité du capital social restant dû, même si certains actionnaires n’ont pas répondu à ces appels de fonds.

D’autres auteurs considèrent qu’il paraît difficile de donner aux termes « libéré » le même sens que le mot « appelé » et c’est d’ailleurs la position de la jurisprudence française[2].

Compte tenu de ce qui précède, la prudence juridique impose de ne procéder à une augmentation du capital qu’une fois tous les fonds provenant des appels afférents à la partie non encore libérée soient intégralement versés et que tous les actionnaires défaillants soient exécutés.

3. Que faut-il entendre par « émission de nouvelles actions » ?

L’article 295 du CSC interdit toute émission de nouvelles actions lorsque le capital social n’est pas intégralement libéré. Mais est-ce que le terme « émission » signifie l’inscription des nouvelles actions dans les comptes de valeurs mobilières après réalisation définitive de l’opération d’augmentation du capital. Ou bien y-a-t-il émission d’actions dès que l’assemblée générale a décidé l’augmentation c’est à dire avant même que cette augmentation ne soit définitivement réalisée ?

La deuxième solution semble la plus juste. En effet, l’article 301 du CSC considère que « Le délai d'exercice du droit de souscription court à partir de la date à laquelle est annoncée au JORT aux actionnaires (…) la valeur des actions lors de leur émission ». Il y aurait donc émission dès que l’assemblée générale a fixé la valeur d’émission ; la décision de l’assemblée serait ensuite publiée et l’augmentation n’est pas à la date de l’émission définitivement réalisée.

4. La condition préalable de libération du capital ne s’applique en cas d’augmentation de la valeur nominale des actions

L’interdiction prévue par l’article 295 du CSC concerne uniquement les « émissions de nouvelles actions », ce qui n’interdit pas une augmentation du capital par élévation de la valeur nominale des actions.

§ B. Décision d’augmentation du capital

1. Organe compétent

L'augmentation du capital social doit être décidée par l'assemblée générale extraordinaire (Article 293 CSC).

Cette disposition est d’ordre public et l’article 294 du CSC répute non avenue, toute clause statutaire conférant au conseil d'administration ou au directoire le pouvoir de décider l'augmentation du capital.

2. Délégation au conseil d’administration

La compétence de l’assemblée générale extraordinaire ne lui interdit pas la possibilité de déléguer au conseil d’administration les pouvoirs nécessaires à l'effet de réaliser l’augmentation du capital en une ou plusieurs fois, d'en fixer les modalités, d'en constater la réalisation et de procéder à la modification corrélative des statuts (Article 294 CSC).

La loi ne traite pas de la possibilité pour le conseil d’administration de subdéléguer à son président (voire à un tiers) les pouvoirs ou une partie des pouvoirs délégués par l’assemblée générale extraordinaire[3]. Face à ce laconisme juridique, la possibilité d’effectuer cette subdélégation semble discutable s’agissant d’une dérogation aux pouvoirs que la loi reconnaît explicitement au conseil d’administration.

Enfin, notons que l’article 294 du CSC dispose « L'augmentation du capital doit être réalisée dans un délai maximum de cinq ans à dater de la décision prise ou autorisée par l'assemblée générale extraordinaire ».

3. Quorum et majorité

L'augmentation du capital social doit être décidée par l'assemblée générale extraordinaire dans les conditions prévues par la loi, sauf stipulation contraire des statuts et à condition qu'il ne contredise les dispositions légales impératives (Article 293 CSC).

Il en découle que cette décision doit obéir aux conditions légales de quorum et de majorité relatives aux assemblées générales extraordinaires telles que prévues par l’article 291 du CSC à moins que les statuts sauf dispositions contraires dans les statuts[4].

Rappelons qu’en vertu de cet article, les délibérations relatives à l’augmentation du capital ne sont considérées valables que si les actionnaires présents ou les représentants au droit de vote détiennent au moins sur première convocation, la moitié du capital et sur deuxième convocation le tiers du capital. A défaut de ce dernier quorum le délai de la tenue de l'assemblée générale peut être prorogé à une date postérieure ne dépassant pas deux mois à partir de la date de la convocation. Aussi, l’assemblée statue à la majorité des deux tiers des voix des actionnaires présents ou des représentants ayant droit au vote.

Cependant, l'augmentation du capital social par majoration de la valeur nominative des actions est décidée à l’unanimité des actionnaires, sauf si l’augmentation a été réalisée par incorporation des réserves, des bénéfices ou des primes d'émission (Article 292 CSC).

Les règles de majorité ne concernent pas uniquement les décisions d’augmentation de capital, mais doivent s’étendre à celles afférentes à la fixation de leur modalité, à la constatation de leur réalisation définitive et à la modification corrélative des statuts.

4. Publicité de la décision

Entraînant une modification des statuts, l’augmentation du capital est soumise, en application des dispositions de l’article 16 du CSC, aux formalités de dépôts et de publicité.

Cette obligation est aussi confirmée par l’article 389 du CSC disposant « Doivent dans tous les cas faire l'objet de publicité, les décisions de dissolution, de réduction ou d'augmentation du capital, prises par l'assemblée générale extraordinaire conformément aux dispositions de l'article 16 du CSC ».

Mais déjà avant à la réalisation de l’augmentation, le législateur prévoit une « publication » préalable. En effet et aux termes de l’article 293 du CSC, la publication de cette décision se fait conformément aux dispositions de l’article 163 du CSC.

Or l’article 163 du CSC évoque une obligation de dépôt et non de publicité[5]. Cet article prévoit le dépôt au greffe du tribunal de première instance du siège social, avant toute souscription du capital d’un projet de statuts signé par les fondateurs. Ce même article prévoit aussi la possibilité pour tout intéressé de demander communication du projet susvisé.

L’application de ces dispositions aux augmentations de capital semble conduire à l’obligation de déposer au greffe du tribunal de première instance du siège social, le procès-verbal de la décision de l’assemblée ayant décidé l’augmentation du capital.

On pourrait souligner que dans la mesure où l’obligation de dépôt est prévue par l’article 16 du CSC, l’article 293 du CSC n’aurait aucun apport en renvoyant aux dispositions de l’article 163 du CSC ne serait ce l’obligation d’effectuer le dépôt avant le commencement des souscriptions.

Force est de constater aussi que l’article 163 du CSC qui régit la constitution des sociétés anonymes faisant appel public à l’épargne[6] devient, en cas d’augmentation du capital social, applicable aux sociétés constituées sans appel public à l’épargne !

Pour les augmentations en numéraire, la publication de la notice prévue par l’article 164 du CSC est obligatoire. En fait, l’article 302 du CSC dispose « Avant l'ouverture de la souscription, la société accomplit les formalités de publicité prévues à l'article 163 et suivants du CSC ».

En adaptant le contenu de la notice tel qu’édicté par l’article 164 du CSC (qui régit les constitutions de sociétés), à la situation d’augmentation du capital, la notice devant être publiée préalablement aux augmentations du capital en numéraire doit contenir :

Contenu de la notice tel que prévu par l’article 164 CSC

Contenu de la notice adapté aux augmentations du capital

1

la dénomination sociale de la société à constituer, suivie le cas échéant de son siège.

la dénomination sociale de la société suivie de son siège.

2

la forme de la société.

3

le montant du capital social à souscrire

4

l'adresse prévue du siège social

5

l'objet social, indiqué sommairement

6

la durée prévue de la société

la durée de la société

7

la date et le lieu du dépôt du projet de statuts

la date et le lieu du dépôt du procès-verbal de l’AGE ayant décidé l’augmentation du capital.

8

le nombre des actions à souscrire contre numéraire, la somme immédiatement exigible comprenant, le cas échéant, la prime d'émission.

9

la valeur nominale des actions à émettre, le cas échéant, entre chaque catégorie.

10

la description sommaire des apports en nature, leur évaluation globale et leur mode de rémunération, avec  indication du caractère provisoire de cette évaluation et de ce mode de rémunération.

NA

11

les avantages particuliers stipulés dans le projet de statuts au profit de toute personne.

NA

12

les conditions d'admission aux assemblées d'actionnaires et d'exercice du droit de vote, avec le cas échéant, indication des dispositions relatives à l'attribution du droit de vote double.

les conditions d'admission aux assemblées d'actionnaires et d'exercice du droit de vote

13

les stipulations relatives à la répartition du résultat, à la constitution de réserves et à la répartition du boni de liquidation.

14

le nom et le siège de la banque ou de l'établissement financier qui recevra les fonds provenant de la souscription, et le cas échéant, l'indication que les fonds seront déposés à la Caisse des dépôts et consignations.

15

le délai ouvert pour la souscription, avec indication de la possibilité de clôture anticipée en cas de souscription intégrale avant l'expiration dudit délai.

16

les modalités de convocation de l'assemblée générale constitutive et le lieu de réunion.

 

Il faut aussi noter que l’article 48 de la loi n° 95-44 du 2 mai 1995 relative au registre de commerce prévoit l’obligation de déposer en double exemplaire dans le délai d'un mois à compter de leur date après, le cas échéant, publication :

1) La copie du procès-verbal de l'assemblée générale des actionnaires ayant décidé ou autorisé une augmentation du capital,

2) La copie de la décision du conseil d'administration de réaliser une augmentation du capital autorisée par l'assemblée générale des actionnaires,

3) En cas d'augmentation du capital par apports en nature, une copie du rapport du commissaire aux apports ; ce rapport est déposé au moins huit jours avant la date de l'assemblée des actionnaires ou associés à décider l'augmentation.

§ C. Procédés d’augmentation du capital

L'augmentation du capital social pourra être réalisée par l’émission de nouvelles actions (§1) ou par l'augmentation de la valeur nominale de celles existantes (§2) (Article 292 CSC).

Lorsqu’elles sont représentatives de nouveaux apports d’actionnaires, les actions nouvelles peuvent être émises à la valeur nominale majorée d’une prime d’émission pour les apports en numéraire, d’une prime d’apport pour les apports en nature ou d’une prime de fusion lorsque l’augmentation du capital résulte d’une opération de fusion (§3).

1. L’émission d’actions nouvelles

En application des dispositions de l’article 292 du CSC, l’émission de nouvelles actions peut résulter :

ü       d’apports en numéraires ;

ü       d’une compensation de créances certaines, échues et dont le montant est connu par la société[7] ;

ü       d’une incorporation de réserves, de bénéfices et des primes d'émission ;

ü       d'apports en nature ;

ü       d’une conversion d'obligations.

« En principe, à valeur nominale égale, les actions nouvelles doivent être assimilées aux actions anciennes, sauf pour la répartition du dividende dû au titre de l’exercice au cours duquel l’augmentation de capital a été réalisée. Les droits respectifs des deux catégories de titres sur ce dividende seront fixés prorata temporis[8] ».

Mais, l’assemblée générale extraordinaire ou par délégation le conseil d'administration pourrait, en l’absence de textes l’interdisant décider :

ü d'avancer la date d'assimilation. En d’autres termes, les actions nouvelles prétendront à la totalité des dividendes de l’exercice en cours, ou bien ;

ü  de reculer la date d’assimilation (en stipulant, par exemple, que les actions auront une date de jouissance à compter du premier jour de l’exercice suivant).

Pour récapituler, la règle du prorata temporis doit être appliquée en l’absence d’une décision contraire de l’assemblée générale extraordinaire.

En pratique, il est d'ailleurs particulièrement recommandé de prendre nettement position, dans la décision d'augmentation de capital, sur ce qu'on appelle la date de jouissance des actions nouvelles.

2. L’élévation de la valeur nominale des actions

Généralement, l’augmentation du capital par élévation de la valeur nominale des parts est envisagée lorsque l’émission des nouvelles actions résulte d’une incorporation de réserves, de bénéfices et des primes d'émission. Cependant, rien n’interdit que l’élévation de la valeur nominale des actions résulte d’apports nouveaux effectués par tous les actionnaires. Dans ce cas, l’article 292 du CSC exige l’accord unanime de ces actionnaires dans la mesure où la décision conduit à augmenter les engagements des actionnaires.

3. Les primes d’émission, d’apport ou de fusion

a) Utilité

Présentée par certains comme un « droit d’entrée[9] », « la prime d’émission (ou la prime d’apport) a pour but d’égaliser les droits des actionnaires anciens et nouveaux lorsqu’il existe des réserves ou des plus values d’actifs apparentes ou occultes. Elle est la contrepartie des droits que les actionnaires nouveaux acquièrent sur ces réserves ou plus-values[10] ».

La prime d’émission est pleinement justifiée lorsque l’augmentation du capital ne profite pas à l’ensemble des actionnaires, par exemple en cas d’apport en nature ou en cas d’apports en numéraire avec suppression du droit préférentiel de souscription.

En revanche, son utilité est moins évidente lorsque l’augmentation est faite en numéraire et sans qu’elle soit assortie d’une suppression du droit préférentiel de souscription. En effet, les actionnaires qui ne participent pas à l’augmentation du capital peuvent récupérer, en cédant leurs droits préférentiels de souscription, le différentiel entre la valeur de leurs actions et le montant nominal avec lequel s’effectue l’émission. Cependant, la société peut toujours décider une augmentation du capital avec droit préférentiel de souscription tout en émettant les nouvelles actions avec une prime[11].

Pour illustrer davantage ce qui vient d’être dit, prenons l’exemple d’une SA au capital de 100.000 dinars composé de 10.000 actions de 10 dinars de nominal chacune.

Supposons que les capitaux propres réévalués compte tenu des plus values latentes et des perspectives de rentabilité futures s’élèvent à 300.000 dinars.

En imaginant une augmentation de capital de 100.000 dinars faite en numéraire profite à un tiers (suppression du droit préférentiel de souscription), l’actionnaire X qui détenait une action valant 30 dinars avant l’augmentation se trouvera lésé. En effet, la valeur de cette action s’élève à 20 dinars í(300.000+100.000)/(10.000+10.000)ý.

Si l’augmentation s’effectue avec une prime d’émission de 20 dinars, l’actionnaire X se verra inchangée à 30 dinars la valeur de son action suite à l’augmentation du capital í(300.000+300.000)/(10.000+10.000)ý.

Supposons maintenant que l’augmentation profite aux actionnaires et qu’elle soit réalisée avec droit préférentiel de souscription.

Si l’augmentation est réalisée sans prime, l’actionnaire X aura le droit de souscrire une action à 10 dinars et sera propriétaire de 2 actions valant 40 dinars (20 dinars chacune). Il n’est pas lésé par l’opération dans la mesure où sa « richesse » est inchangée.

Même si l’actionnaire X ne participe pas à l’augmentation, il cédera son droit préférentiel de souscription pour 10 dinars (30-20). Dans ce cas, aussi, il ne sera aucunement lésé puisque sa richesse est inchangée (l’action valant 20 dinars suite à l’augmentation auxquels s’ajoutera le produit de la cession du droit préférentiel de souscription soit 10 dinars).

b) Obligation de libération intégrale des primes

Si la question ne se pose pas pour les primes d’apport ou de fusion qui sont de part leur nature intégralement libérées[12], on peut s’interroger s’il est possible de libérer partiellement la prime d’émission.

A cet effet, l’article 165 du CSC dispose « La société n'est constituée qu'après la souscription de la totalité du capital social. L'apporteur en numéraire doit verser au moins le quart du montant des actions souscrites par lui, et le cas échéant, la totalité de la prime d'émission. Cette disposition légale, quoique prévue parmi les dispositions régissant la constitution de la société anonyme est transposable aux augmentations de capital en numéraire, car il est rare que des primes d’émission soient prévues lors de la constitution.

c) Utilisation des primes

L’utilisation de la prime d’émission n’est pas réglementée par aucun texte.

Selon une jurisprudence bien établie de la cour de cassation française, la prime d’émission n’est ni un bénéfice, ni une réserve, mais un supplément d’apport laissé à la libre disposition de la société[13].

Rien n’interdit donc qu’elle reçoive toute affectation telle que l’incorporation au capital, la distribution aux actionnaires[14] ou l’utilisation en vue d’apurer des pertes.

Pour ce qui est de l’organe compétent pour décider ces affectations, la décision incombe l’assemblée générale ordinaire lorsqu’il s’agit d’utiliser la prime en vue en vue d’apurer des pertes et à l’assemblée générale extraordinaire lorsqu’il s’agit de l’incorporer au capital. Une partie de la doctrine considère que « Pour toute autre affectation, la décision incombe à l’organe habilité à cet effet, soit par les statuts soit par l’assemblée générale extraordinaire qui a fixé cette prime. En l’absence de clause statutaire ou de décision de l’assemblée extraordinaire, l’affectation relève de la compétence de l’assemblée extraordinaire ou celle de l’assemblée ordinaire selon qu’elle entraîne ou non-modification des statuts : par exemple, s’il s’agit de doter un compte de réserve ou de décider la distribution de la prime, l’assemblée ordinaire est compétente puisqu’une telle décision n’apporte aucune modification aux statuts[15] ». Cette solution est conforme à la répartition des pouvoirs entre assemblées ordinaires et extraordinaires telle que fixée par le CSC. En effet, l' assemblées générale est seule habilitée à modifier toutes les dispositions des statuts (Article 291 CSC). L’article 278 du CSC donne la compétence à l’assemblée générale ordinaire pour statuer sur les autres questions n’entraînant pas modification des statuts.

Section 2 : Les augmentations de capital en numéraire

§ A. Le droit préférentiel de souscription

Appelé aussi « droit de souscription à titre irréductible », le droit préférentiel de souscription fait partie des droits pécuniaires de l’actionnaire. En cas d’augmentation du capital, ce droit bénéficie aux actionnaires, mais également à certains titulaires de valeurs mobilières donnant (ou susceptible de donner) accès au capital (infra). Le droit préférentiel de souscription est un droit individuel de l’actionnaire. Il a « une fonction égalitaire[16] ». « C’est la traduction légale du droit qui appartient à l’actionnaire sur l’actif social ; l’émission d’actions nouvelles viendrait à diminuer la quotité de son droit[17] ». Comme la prime d’émission, le droit préférentiel de souscription est un moyen pour sauvegarder les droits des anciens actionnaires de la société.

Ce droit est proclamé par l’article 296 du CSC au profit de tous les actionnaires de la société anonyme. Impératives, les dispositions de cet article donnent aux actionnaires et proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation du capital. Les statuts ne peuvent pas déroger au droit préférentiel de souscription car l’article 296 susvisé frappe toute clause contraire de nullité.

1. Délai d’exercice du droit préférentiel de souscription

a) Délai légal d’exercice du droit préférentiel de souscription

L’assemblée générale extraordinaire qui décide une augmentation de capital en numéraire fixe un délai de souscription pendant lequel les actionnaires pourront souscrire les actions nouvellement émises.

Le délai d'exercice du droit de souscription d'actions de numéraire ne peut en aucun cas être inférieur à quinze jours. Ce délai court à partir de la date à laquelle est annoncée au Journal Officiel de la République Tunisienne aux actionnaires le droit préférentiel dont ils disposent ainsi que la date d'ouverture de la souscription et la date de sa clôture et de la valeur des actions lors de leur émission (Article 301 CSC).

b) Possibilité de clôturer les souscriptions par anticipation ?

L’article 188 de la loi française du 24 juillet 1966 admet explicitement cette possibilité en considérant que le délai se trouve clos par anticipation dès que tous les droits de souscription à titre irréductible ont été exercés ou que l'augmentation de capital a été intégralement souscrite après renonciation individuelle à leurs droits de souscription des actionnaires qui n'ont pas souscrit

En droit tunisien, la possibilité de clôturer les souscriptions par anticipation est admise implicitement par l’article 164 du CSC fixant le contenu de la notice. En effet, on retrouve parmi les énonciations de la notice « le délai ouvert pour la souscription, avec indication de la possibilité de clôture anticipée en cas de souscription intégrale avant l'expiration dudit délai ». Il semble donc que l’assemblée générale extraordinaire peut prévoir la possibilité de clôturer les souscriptions par anticipation.

c) Possibilité de proroger le délai de souscription ?

Le délai de souscription peut être prorogé par l’organe qui l’a fixé, c’est à dire l’assemblée générale extraordinaire ou bien le conseil d’administration suite à la délégation à lui accordée par l’assemblée.

2. L’exercice du droit préférentiel de souscription

Pendant la période de souscription, les actionnaires peuvent exercer leur droit préférentiel de souscription en souscrivant à titre irréductible aux actions émises en fonction de leur participation au capital social.

Supposons par exemple qu’une société anonyme au capital de 100.000 dinars composé de 1.000 actions de 100 dinars de nominal chacune.

En décidant une augmentation de 20.000 dinars en numéraire, chaque actionnaire bénéficie du droit de souscrire une action nouvelle pour 5 anciennes.

L’actionnaire qui détenait 500 actions (donc 50% du capital) aura le droit de souscrire 100 actions nouvelles. En le faisant, il détiendra 600 actions sur 1.200 actions suite à la réalisation définitive de l’augmentation du capital. La quotité de sa participation dans le capital demeure inchangée à 50%. 

3. La valeur du droit préférentiel de souscription

Il va sans dire que la valeur du droit préférentiel de souscription obéit en principe à la loi de l’offre et de la demande. Cette affirmation retrouve tout son sens lorsque la négociation du droit préférentiel de souscription s’effectue dans des marchés organisés (la bourse).

Mais on peut calculer une valeur théorique pour le droit préférentiel de souscription.

Reprenons les données du paragraphe précédent et supposons que les capitaux propres de la société émettrice s’élèvent au moment de l’émission à 160.000 dinars. La valeur théorique de l’action avant augmentation du capital s’élève à 160 dinars.

Suite à l’augmentation du capital et en supposant que l’émission se fait au pair, la valeur théorique de l’action dite « valeur ex-droits ou coupon détaché » s’élèvera à 150 dinars í(160.000+20.000)/(1.000+200)ý. La valeur théorique du droit préférentiel de souscription s’élèvera à 10 dinars (160-150).

On peut faire un raisonnement inverse et retrouver les mêmes valeurs : L’actionnaire qui désire souscrire une action nouvelle versera à la société 100 dinars et devra acheter 5 droits préférentiels de souscription pour obtenir une action dont la valeur ex-droits est de 150 dinars. Il s’ensuit que la valeur des 5 est de 50 dinars (150-100) d’où l’on retrouve la valeur théorique de 10 dinars (50/5) par droit préférentiel de souscription

Par ailleurs, la valeur de 6 actions ex-droits est celle correspondant à la valeur de 5 actions anciennes majorée de la valeur d’émission d’une nouvelle action. On retrouvera la valeur ex-droits qui est de 150 dinars í(5 x 160+100)/(5+1)ý.

Lorsqu’une prime d’émission est incluse dans le prix d’émission, et comme nous l’avons déjà précisé, la valeur du droit préférentiel de souscription diminue.

Reprenons encore une fois l’exemple précédent et supposons que le prix d’émission est de 130 D.

Dans ce cas la valeur ex-droit de l’action est de 155 dinars í(160.000+26.000)/(1.000+200)ý qu’on peut retrouver grâce à la deuxième formule í(5 x 160+130)/(5+1)ý.

La valeur du droit préférentiel de souscription descend de 10 dinars à 5 dinars (160-155).

4. Cession du droit préférentiel de souscription

En vertu des dispositions de l’article 296 du CSC « Pendant la durée de la souscription, le droit préférentiel de souscription est négociable lorsqu'il est détaché des actions elles-mêmes négociables. Dans le cas contraire, le droit préférentiel est cessible dans les mêmes conditions prévues pour faction elle-­même ».

Depuis la dématérialisation des titres, la cession des droits préférentiels de souscription détachés des actions elles-mêmes négociables doit s’effectuer par un simple virement entre comptes de valeurs mobilières.

Lorsque le droit préférentiel de souscription est détaché d’actions non-négociables, il est cessible dans les conditions du droit civil.

La non-négociabilité des actions est envisageable dans 3 situations : avant l’immatriculation de la société au registre de commerce (Article 320 CSC), tant que le premier quart n’est pas libéré (Article 187 CSC) et dans les deux ans qui suivent un apport en nature (Article 318 CSC).

La règle prévue par l’article 296 du CSC ne peut concerner que ce dernier cas, c’est à dire les actions d’apport. En d’autres termes, le droit préférentiel de souscription afférent aux actions d’apport n’est pas négociable, mais seulement cessible.

5. Renonciation à titre individuel au droit préférentiel de souscription

Aux termes de l’article 296 du CSC, « les actionnaires peuvent renoncer à titre individuel à leur droit préférentiel de souscription ».

Cette disposition est analogue à celle prévu par l’article 183 de loi française du 24 juillet 1966, mais à la différence du droit français, le CSC n’a pas réglementé les modalités et conséquences de cette renonciation. En droit français, ces modalités et conséquences diffèrent selon qu’elle est faîte au profit de personnes dénommées ou sans indication de bénéficiaires[18].

La renonciation à des personnes dénommées peut être consentie moyennant le versement d’une indemnité par le bénéficiaire au profit du renonçant ; dans ce cas, elle s’apparente à une cession du droit préférentiel de souscription. Lorsqu’elle est sans contrepartie, elle s’analyse comme une libéralité[19].

La renonciation sans indication de bénéficiaire permet aux actionnaires informés de l’augmentation du capital et qui ne désirent pas participer à l’opération de faire profiter les autres actionnaires de la possibilité de souscrire aux actions rendues disponibles puisqu’en principe, la renonciation sans indication de bénéficiaire accroît le nombre de ces actions disponibles. Généralement, la renonciation sans indication de bénéficiaire est envisagée lorsque la valeur du droit préférentiel est très faible ; dans ce cas, la renonciation permet de clôturer par anticipation l’augmentation du capital.

6. La suppression du droit préférentiel de souscription

« Le droit préférentiel de souscription n’est pas intangible. Si les statuts ne peuvent pas lui porter atteinte, sa suppression peut, en revanche, être décidée par l’assemblée générale extraordinaire[20] ».

a) Formes de suppression du droit préférentiel de souscription

L’article 300 du CSC donne la possibilité à l'assemblée générale extraordinaire qui décide ou autorise une augmentation du capital social de supprimer le droit préférentiel de souscription pour la totalité de l'augmentation du capital ou pour une ou plusieurs parties de cette augmentation.

Contrairement au droit français, le CSC ne fait pas de distinction entre suppression du droit préférentiel de souscription au profit de bénéficiaires dénommés et suppression du droit préférentiel de souscription sans indication du nom des bénéficiaires. Mais, les deux alternatives semblent licites en droit tunisien. La suppression sans indication du nom des bénéficiaires permet de faciliter l’émission par appel public à l’épargne et le placement des nouvelles actions.

Certains auteurs considèrent que la question de la suppression du droit préférentiel de souscription doit figurer au niveau de l’ordre du jour avec mention, lorsque la suppression bénéficiera à des personnes dénommées, le nom des attributaires d’actions nouvelles, le nombre d’actions attribuées à chacun d’eux et, avec justification, le prix d’émission[21].

b) Conditions de réalisation d’une augmentation du capital avec suppression du droit préférentiel de souscription

Aux termes de l’article 300 du CSC, l’assemblée générale extraordinaire approuve, obligatoirement et à peine de nullité de l'augmentation, le rapport du conseil d'administration et celui des commissaires aux comptes relatif à l’augmentation du capital et à la suppression dudit droit préférentiel.

Mais contrairement aux anciennes dispositions du code de commerce[22]-[23] et aux dispositions du droit français[24]-[25], aucun texte dans le CSC ne fixe le contenu rapport du conseil d'administration et celui des CAC relatif à l’augmentation du capital et à la suppression du droit préférentiel de souscription.

c) Participation au vote des actionnaires bénéficiaires de la suppression du droit préférentiel de souscription

Lorsqu’une suppression du droit préférentiel de souscription est décidée au profit d’un ou de plusieurs actionnaires, ceux-ci sont en mesure de participer au vote de la résolution décidant l’augmentation du capital avec suppression du droit préférentiel de souscription faute de textes les excluant du vote.

d) Sanctions pour inobservation des règles régissant la suppression du droit préférentiel de souscription

Sanction civile (Article 300 du CSC) : La nullité frappe la décision d’augmentation du capital social avec suppression du droit préférentiel de souscription lorsque cette augmentation a été décidée sans que ne soient approuvés le rapport du conseil d'administration et celui des commissaires aux comptes relatif à l’augmentation du capital et à la suppression dudit droit préférentiel.

Pour l’application de cette nullité, la jurisprudence française assimile l’insuffisance des rapports à leur absence[26].

Sanction pénale (Article 313 du CSC) : Sont punis d'une amende de cent vingt à mille deux cent Dinars le Président-directeur général, le directeur général et du conseil d'administration qui contreviennent aux dispositions des articles 291 à 310 du CSC donc notamment aux règles édictées à l’article 300 du CSC.

Cette sanction de l'amende s'applique au président-directeur général, au directeur général, aux membres du conseil d'administration et aux contrôleurs qui, sciemment, présentent ou approuvent des mentions inexactes figurant dans les rapports visés par l’article 300 susvisé.

Et s'il est fait recours au faux pour commettre l'infraction en vue de priver les actionnaires ou certains d'entre eux d'une partie des droits qu'ils ont dans la société, le contrevenant est sanctionné, en sus de ce qui est mentionné ci-dessus, d'une peine d'emprisonnement d'un an à cinq ans[27].

7. Cas particuliers

a) La suspension du droit préférentiel de souscription

A l'expiration du délai d'un mois de sa mise en demeure restée sans effet, le droit préférentiel de souscription aux augmentations de capital revenant à l’actionnaire défaillant et attaché à ses actions pour lesquelles les versements exigibles n'ont pas été effectués est suspendu (Article 325 & 326 CSC).

L’actionnaire ne peut se prévaloir du droit préférentiel de souscription à une augmentation de capital, après expiration du délai fixé pour l'exercice de ce droit[28] (Article 326 CSC).

 
b) Privation du droit préférentiel de souscription

La loi prévoit de priver l’actionnaire, dans certains cas de son droit préférentiel de souscription. Il en est ainsi pour :

ü       Le titulaire d’actions au porteur non converties au nominatif qui n’a pas présenté ses titres à la société dans le délai de deux ans à compter de la date d’entrée en vigueur de par la loi relative à la dématérialisation des titres (article 4 de la loi n° 2000-35 du 21 mars 2000 relative à la dématérialisation des titres).

ü       Les actions propres détenues par la société dans le but de réguler son cours boursier (Article 19 nouveau de la loi n° 94-117 du 14/11/94 portant réorganisation du marché financier telle que modifiée par la loi n° 99-92 du 17 août 1999). 

8. Cas d’émission de valeurs mobilières autres que les actions ordinaires

a) Obligations convertibles en actions

Notons d’abord que la décision d’émettre des obligations convertibles en actions comporte renonciation expresse des actionnaires à leur droit préférentiel de souscription aux actions qui seront émises par conversion des obligations (Article 341 CSC). Mais rien ne semble interdire à la société de faire bénéficier les actionnaires d’un droit préférentiel pour souscrire en priorité aux obligations convertibles émises.

Ensuite et au cas où l'entreprise a procédé avant l'ouverture du ou des délais d'option à des émissions d'actions à souscrire contre espèces, elle est tenue, lors de l’ouverture de ces délais, de procéder à une augmentation complémentaire de capital réservée aux obligataires qui auront opté pour la conversion et qui, en outre, auront demandé à souscrire des actions nouvelles. Ces actions leurs seront offertes dans les mêmes proportions, ainsi qu'aux mêmes prix et conditions, sauf en ce qui concerne la jouissance, que s'ils avaient eu la qualité d'actionnaires lors desdites émissions d'actions (Article 344 CSC).

b) Actions à dividende prioritaire sans droit de vote

En cas d’émission d’actions à dividende prioritaire sans droit de vote à souscrire en numéraire, on peut s’interroger si les actionnaires bénéficient ipso jure d’un droit de préférence pour la souscription à ces actions. Tant qu’il n’y a pas jurisprudence en la matière, la prudence juridique impose à l’assemblée générale extraordinaire d’émettre les actions à dividende prioritaire en supprimant le droit préférentiel, dès lors qu’il y a intention de réserver les nouvelles actions émises à des tiers ou même à des actionnaires actuels sans respecter les proportions qui leur reviennent dans le capital existant avant émission.

Par ailleurs, et en cas d'augmentation du capital par apport en numéraire, les titulaires d'actions à dividende prioritaire sans droit de vote bénéficient dans les mêmes conditions que les actionnaires ordinaires, d'un droit préférentiel de souscription. Toutefois, l'assemblée générale extraordinaire peut décider, après avis de l’assemblée spéciale, que les titulaires d'actions à dividende prioritaire sans droit de vote auront un droit préférentiel à souscrire ou à recevoir des actions à dividende prioritaire sans droit de vote qui seront émises dans. la même proportion (Article 366 CSC). L’assemblée générale extraordinaire ne paraît pas liée par l’avis de l’assemblée spéciale, la loi n’exigeant pas que cet avis soit conforme.

c) Certificats d’investissement

En cas d'augmentation du capital, les porteurs d'actions bénéficient d'un droit préférentiel de souscription aux certificats d'investissement conformément à la procédure suivie dans les augmentations de capital (Article 378 du CSC).

Le terme «conformément à la procédure suivie dans

les augmentations de capital» utilisé, vise-t-il uniquement la procédure de suppression du droit préférentiel de souscription ou l'ensemble de la procédure d'augmentation du capital ?

La nuance peut être d'une importance significative. Lorsque l'ensemble de la procédure d'augmentation du capital doit être suivie en cas d'augmentation de capital par émission de certificats d'investissement, la libération partielle est autorisée, une prime d'émission peut être exigée, les facultés prévues par les articles 298 et suivants du CSC pourront être utilisées lorsque les souscriptions n'atteignent pas la totalité de l'augmentation décidée, l'assemblée pourra déléguer les pouvoirs au conseil d'administration ou au directoire pour la mise en ouvre de l'émission etc.

L'article 378 du CSC suscite aussi une autre remarque ; En cas d'augmentation du capital, le droit préférentiel est reconnu uniquement aux porteurs d'actions. Mais si l'on suppose qu'outre ces porteurs d'actions, la société compte des porteurs de certificats d'investissement issus d'une ancienne émission, doit-on les priver dudit droit préférentiel ? La réponse est affirmative. En effet l'article 378 qui considère qu'en cas d'augmentation du capital, les certificats de droit de vote résultant de l'augmentation du capital sont répartis entre les porteurs d'actions au prorata de leurs droits, sauf renonciation de leur part ou profit d'un ou de certains d'entre eux, ne prévoit de répartir les certificats de droit de vote qu'entre les anciens actionnaires sans tenir compte des anciens titulaires des certificats de droit de vote.

Dans cette hypothèse, la participation et le pouvoir des anciens porteurs de certificats seront dilués par toute nouvelle émission de certificats.

En cas d'augmentation de capital en numéraire, un droit préférentiel de souscription est reconnu aux titulaires des anciens porteurs de certificats. A cet effet, l'article 384 du CSC édicte les règles suivantes :

ü       II est émis de nouveaux certificats d'investissement et des certificats de droit de vote en nombre tel que la proportion qui existait avant l'augmentation entre actions ordinaires et certificats de droit de vote soit maintenue en considérant que celle-ci sera entièrement réalisée.

ü       Les propriétaires des certificats d'investissement ont, proportionnellement au nombre de titres qu'ils possèdent, un droit de préférence à la souscription des nouveaux certificats. Lors d'une assemblée spéciale, convoquée et réunie selon les règles de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires, les propriétaires des certificats d'investissement peuvent renoncer à ce droit. Les certificats non-souscrits sont répartis par le conseil d'administration ou le directoire. La réalisation de l'augmentation du capital s'apprécie par rapport à la fraction des actions souscrites. Les certificats de droit de vote créés avec les nouveaux certificats d'investissement sont attribués aux porteurs d'anciens certificats de droit de vote en proportion de leurs droits, sauf renonciation de leur part au profit de l'ensemble des porteurs de certains d'entre eux. La question qui se pose est de savoir si l'émission des certificats doit être concomitante à celle des actions ordinaires ou être faite une fois l'augmentation du capital social par émission d'actions ordinaires est définitivement réalisée. La formulation de l'article 384 du CSC laisse pencher vers la première solution. Cet article considère que «la réalisation de l'augmentation du capital s'apprécie par rapport à la fraction des actions souscrites», ce qui veut dire qu'il y a lieu de ne pas tenir en considération les souscriptions recueillies en ce qui concerne les certificats d'investissement. On peut aussi se trouver face à une situation dans laquelle la partie de l'augmentation du capital réalisée par émission d'actions ordinaires se trouverait non réalisée. Doit-on, dans ce cas, augmenter le capital social, uniquement, du montant des certificats d'investissement souscrits ? Cette solution devrait être écartée lorsqu'on considère que l'augmentation n'est pas défalquée en deux parties.

En cas d'émission d'obligations convertibles en actions, les porteurs des certificats d'investissement ont, proportionnellement au nombre de titres qu'ils détiennent, un droit de préférence à la souscription à titre irréductible. Ils peuvent renoncer à ce droit en assemblée spéciale, convoquée et réunie selon les règles de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires. Les obligations ne peuvent être converties qu'en certificats d'investissement. Les certificats de droit de vote créés avec les certificats d'investissement émis à l'occasion de la conversion sont attribués aux porteurs de certificats de droit de vote, en proportion de leurs droits, sauf renonciation de leur part au profit de l'ensemble des porteurs ou de certains d'entre eux. Cette attribution intervient à la fin de chaque exercice pour les obligations convertibles à tout moment (Article 385 CSC).

§ B. La souscription des actions nouvelles

1. La souscription à titre irréductible et à titre réductible

a) La souscription à titre irréductible

Lorsque les actionnaires souscrivent des actions en usant de leur droit préférentiel de souscription, les souscriptions sont effectuées à titre irréductible. Il y a aussi souscription à titre irréductible lorsque les cessionnaires ou bénéficiaires d’une renonciation au droit préférentiel de souscription exercent ces droits pour souscrire des actions nouvelles.

b) La souscription à titre réductible

Si certains actionnaires n'ont pas souscrit les actions à titre irréductible, les actions ainsi non-souscrites seront attribuées aux actionnaires qui auront souscrit un nombre d'actions supérieur à celui qu'ils pouvaient souscrire à titre préférentiel, proportionnellement à leurs parts dans le capital, et dans la limite de leurs demandes (Article 297 CSC).

La souscription d’actions à titre réductible est obligatoire de par la loi et ne requiert aucune autorisation expresse de l’assemblée générale extraordinaire. En droit français, l’exercice du droit de souscription à titre réductible n’est possible que s’il a été expressément prévu par l’assemblée générale extraordinaire[29].

La répartition des souscriptions à titre réductible entre les actionnaires qui en ont fait demande  se fait en fonction de la quotité du capital qu’ils détiennent et dans la limite de leurs demandes. Pour illustrer ce fait, prenons l’exemple d’une société anonyme au capital 100.000 dinars composé de 1.000 actions de 100 dinars de nominal chacune. Cette société compte réaliser une augmentation de capital en numéraire d’un montant de 50.000 dinars par l’émission de 500 nouvelles actions.

Les souscriptions à titre irréductible et réductible se présentent comme suit :

Act.

Nb. Actions

%

VN

Part.

Droit préféren-tiel de sous.

Souscription à titre irréductible

Souscription à titre réductible

A1

100

10%

100

10 000

50

50

20

A2

130

13%

100

13 000

65

0

0

A3

300

30%

100

30 000

150

150

200

A4

50

5%

100

5 000

25

0

0

A5

80

8%

100

8 000

40

40

180

A6

200

20%

100

20 000

100

0

0

A7

140

14%

100

14 000

70

60

0

 

1000

100%

 

100 000

500

300

400

Les souscriptions avec exercice du droit préférentiel de souscription n’ont pas permis de couvrir la totalité de l’augmentation du capital. Les 200 actions restantes après exercice des droits préférentiels de souscription (500-300) sont à répartir entre les actionnaires ayant demandé à souscrire à titre réductible.

Cette répartition doit se faire en fonction de leur participation dans le capital et dans la limite de leur demande :

Act.

Souscription à titre réductible

Nb. Actions après souscrip. à titre irréductible

Quotité de capital

Nb. d’act. en fonction de la quotité de capital

Affectation des souscriptions à titre réductible

A1

20

150

21%

42

20

A3

200

450

63%

125

125

A5

180

120

17%

33

33

 

400

720

100%

200

178

On remarque que l’actionnaire A1 ne reçoit que 20 actions (pour lesquelles il est demandeur) sur les 42 actions qui lui reviennent en fonction de sa quotité dans le capital.

Suite à cette première répartition, il reste à affecter 22 actions (200-178) entre les actionnaires A3 et A5.

Cette répartition doit toujours se faire en fonction de leur participation dans le capital et dans la limite de leur demande :

Act.

Nb. Actions après souscriptions à titre irréductible et réductible

Quotité de capital

Nb. d’act. en fonction de la quotité de capital

Affectation des souscriptions à titre réductible (2)

A2

 

 

 

0

A3

575

79%

17

142

A4

 

 

 

0

A5

153

21%

5

38

A6

 

 

 

0

A7

 

 

 

0

 

728

100%

22

200

Le barème définitif de répartition des actions souscrites s’établit comme suit :

Act.

Nb. Actions avant aug.

%

Souscrip. à titre irréductible

Souscrip. à titre réductible

Affectation souscrip. à titre réductible

Irréductible + Réductible

Nb. Actions après aug.

%

Var %

A1

100

10%

50

20

20

70

170

11%

1%

A2

130

13%

0

0

0

0

130

9%

-4%

A3

300

30%

150

200

142

292

592

39%

9%

A4

50

5%

0

0

0

0

50

3%

-2%

A5

80

8%

40

180

38

78

158

11%

3%

A6

200

20%

0

0

0

0

200

13%

-7%

A7

140

14%

60

0

0

60

200

13%

-1%

 

1000

100%

300

400

200

500

1500

100%

0%

2. L’établissement de bulletins de souscription

Aux termes de l’article 303 du CSC, le contrat de souscription est constaté par un bulletin de souscription, établi dans les conditions déterminées par les articles 167, 169, 178 et suivants du CSC (يثبت عقد الإكتتاب ببطاقة إكتتاب توضع طبق الشروط المحددة بالفصول 167 و169 و178 وما بعده من هذه المجلة).

L’article 303 du CSC renvoie aux articles 167, 169, 178 et suivants du CSC pour ce qui est des conditions d’établissement des bulletins de souscription. Or seul l’article 167 du CSC porte sur les conditions d’établissement desdits bulletins (a), ce qui n’est pas sans créer des difficultés d’application (b).

a) Les conditions d’établissement des bulletins de souscription en application des dispositions de l’article 167 du CSC

L’article 167 du CSC considère que la souscription doit être constatée par un bulletin de souscription signé des souscripteurs ou de leurs mandataires et contenant un certain nombre de mentions.

L’article 167 du CSC traite de la constitution de la société anonyme. Son contenu doit être aménagé lorsqu’il s’agit d’une augmentation du capital

Contenu du bulletin de souscription tel que prévu par l’article 167 CSC

Contenu du bulletin de souscription adapté aux augmentations du capital

1

le nom, prénom et domicile du souscripteur.

2

la dénomination et la forme de la société.

3

le siège social.

4

l'indication sommaire de l’objet social.

5

la référence au numéro du Journal Officiel de la République Tunisienne où a été publiée la notice prévue à l'article 164 du CSC.

6

le montant du capital, en précisant la part du capital à réaliser en numéraire et celle qui consiste en apports en nature.

le montant du capital à souscrire en numéraire

7

la date du dépôt du projet des statuts au greffe du tribunal de première instance en application de l'article 163 du CSC.

la date du dépôt du procès verbal de l’AGE ayant décidé l’augmentation du capital au greffe du tribunal de première instance

8

l'établissement bancaire ou financier ainsi que le numéro du compte où seront déposés les fonds provenant de la souscription.

L’article 167 du CSC prévoit l’obligation de remettre une copie du bulletin de souscription aux souscripteurs et de mentionner cette remise au sein de ce bulletin.

b) Les difficultés inhérentes au renvoi par l’article 303 aux articles 169, 178 et suivants du CSC pour ce qui est de la détermination des conditions d’établissement des bulletins de souscription

Le renvoi à l’article 169 du CSC : L’article 169 du CSC dispose « Le retrait des fonds provenant des souscriptions est opéré par le représentant légal de la société contre remise par lui d'une copie certifiée conforme du procès-verbal de l’assemblée constitutive et du procès-verbal du premier conseil d’administration ou du directoire ainsi que d'une copie du certificat d'immatriculation de la société au registre de commerce.

Si la société n'est pas constituée dans un délai de six mois, à compter du jour du dépôt du projet des statuts au greffe du tribunal de première instance du lieu du siège social, tout souscripteur pourra demander au président dudit tribunal la restitution du montant des fonds qu'il a déposé après soustraction de sa quote-part dans les fiais de distribution, par ordonnance sur requête ».

Il est clair que ces dispositions ne concernent pas les conditions d’établissement des bulletins de souscription. Mais, peut-on dire que la volonté du législateur n’est pas de limiter l’application des dispositions de l’article 169 du CSC aux seules « conditions d’établissement des bulletins de souscription ». En d’autres termes, le législateur a-t-il voulu étendre l’application de cet article aux augmentations du capital ?

Si telle est la réponse, l’application des dispositions de l’article 169 aux augmentations du capital conduirait aux deux obligations suivantes :

ü       Le retrait des fonds provenant des souscriptions à l’augmentation du capital est opéré par le représentant légal de la société contre remise par lui d'une copie certifiée conforme du procès-verbal de l’assemblée ou du conseil ayant constaté la réalisation du capital ainsi que d'une copie du certificat d'immatriculation de la société au registre de commerce.

ü       Si la l’augmentation n'est pas réalisée dans un délai de six mois, à compter du jour du dépôt du dépôt du procès-verbal de l’AGE ayant décidé l’augmentation du capital au greffe du tribunal de première instance du lieu du siège social, tout souscripteur pourra demander au président dudit tribunal la restitution du montant des fonds qu'il a déposé après soustraction de sa quote-part dans les fiais de distribution, par ordonnance sur requête.

Le renvoi à l’article 178 du CSC : L’article 178 du CSC dispose « Si la société n'est pas constituée par la faute de l'un des fondateurs, l'action en responsabilité pour réparation du préjudice subi par les souscripteurs doit être exercée dans le délai d'une année à compter de l'expiration du délai de six mois prévu à l'article 169 du présent code sous peine de prescription ».

Comme pour l’article 169 du CSC, l’article 178 du CSC n’a aucune trait avec les « conditions d’établissement des bulletins de souscription ».

Si l’on considère que la volonté du législateur était d’étendre l’application de l’article 178 du CSC aux augmentations du capital, on pourrait considérer que :

Si l’augmentation du capital n'est pas réalisée par la faute de l'un des administrateurs, l'action en responsabilité pour réparation du préjudice subi par les souscripteurs doit être exercée dans le délai d'une année à compter de l'expiration du délai de six mois à compter du jour du dépôt du dépôt du procès-verbal de l’AGE ayant décidé l’augmentation du capital au greffe du tribunal de première instance du lieu du siège social sous peine de prescription.

Le renvoi aux articles suivants l’article 178 du CSC : Seule l’application de l’article 180 du CSC est susceptible d’être envisagée. En effet, les articles 180 et 181 du CSC traitent de la constitution de la société anonyme ne faisant pas appel public à l’épargne et ne contiennent pas de dispositions susceptibles d’être transposées aux souscriptions dans les augmentations de capital.

Or l’article 179 du CSC traite uniquement des nullités des sociétés anonymes constituées et de la régularisation et prescription de ces nullités[30].

Si le législateur a voulu, en renvoyant à l’article 179 du CSC, étendre de telles nullités aux augmentations du capital, il n’aurait sans soute pas prévu des nullités spécifiques aux augmentations du capital au niveau des articles 294[31], 295[32] et 300[33] du CSC.

3. L’insuffisance des souscriptions

Lorsque les souscriptions à titre irréductible et réductible n’atteignent pas la totalité de l’augmentation du capital fixée initialement par l’assemblée générale extraordinaire, les articles 298 et 299 du CSC donnent au conseil d’administration plusieurs facultés pour réaliser définitivement l’augmentation décidée. L’utilisation de ces facultés dépend selon que le nombre des actions non souscrites représentent plus ou moins de cinq pour cent de l'augmentation de capital.

Il semble que l’utilisation de ces facultés soit impossible lorsqu’il y a insuffisance dans les souscriptions à une augmentation du capital décidée avec suppression du droit préférentiel de souscription. En effet, la suppression du droit préférentiel de souscription est prévue par le législateur au niveau l’article 300 du CSC juste après avoir évoqué les solutions à l’insuffisance des souscriptions au niveau des articles 298 et 299 du CSC. Il va sans dire que ces facultés offertes au conseil ne doivent être mises en œuvres qu’une fois le délai de souscription clôturé.

a) Les actions non souscrites représentent moins de cinq pour cent de l'augmentation de capital

Le conseil d'administration peut, d'office et dans tous les cas, limiter l'augmentation du capital au montant de la souscription lorsque les actions non souscrites représentent moins de cinq pour cent de l'augmentation de capital. Toute décision contraire du conseil d'administration  est réputée non avenue (Article 299 CSC). L’exercice de cette faculté ne requiert pas une autorisation de l’assemblée.

L’article 299 du CSC frappe de nullité « toute décision contraire du conseil d'administration » ce qui englobe la situation où le conseil limiterait d’office l’augmentation du capital au montant des souscriptions et que ces dernières n’ont pas atteint 95% du capital.

Mais, la nullité ne semble pouvoir s’étendre à la situation où le conseil décide de ne pas limiter le montant de l’augmentation au montant des souscriptions alors même que Les actions non souscrites représentent moins de cinq pour cent de l'augmentation de capital. En effet, l’article 299 du CSC donne une simple faculté au conseil comme le prouve l’utilisation du mot « peut » (يمكن).

b) Les actions non souscrites représentent cinq pour cent ou plus de l'augmentation de capital

Si les souscriptions réalisées n'atteignent pas la totalité de l'augmentation du capital social, le conseil d'administration peut utiliser dans l’ordre qu'il détermine les facultés ci-après énumérées ou certaines d'entre elles seulement et ce lorsque l’assemblée générale extraordinaire a expressément admis de telles possibilités :

- le montant de l'augmentation du capital social peut être limité au montant des souscriptions sous la double condition que celui-ci atteigne les trois quarts au moins de l’augmentation décidée

- les actions non souscrites peuvent être totalement ou partiellement redistribuées entre les actionnaires

- les actions non souscrites peuvent être offertes au public totalement ou partiellement.

L'augmentation du capital social n'est pas réalisée lorsque après l’exercice de ces facultés le montant des souscriptions libérées n'atteint pas la totalité de l’augmentation de capital ou les trois quarts de cette augmentation dans le premier cas (Article 299 CSC).

Aussi, la dernière faculté pose le problème de savoir si la société se transforme en société faisant appel public à l’épargne dès qu’elle l’utilise ? En d’autres termes, une société qui ne fait pas appel public à l’épargne peut-elle devenir une société faisant appel public à l’épargne si elle offre des actions au public ?

La réponse doit être positive si l’une des conditions d’appel public à l’épargne telles que prévues par l’article premier de la LMF se trouve réunie su seul fait que des actions soient offertes au public.

Examinons les cas où une société est réputée faisant appel public à l’épargne tels qu’ils sont prévus par l’article premier de la LMF.

D’abord, il convient d’éliminer les situations sans relation avec notre interrogation, c’est à dire les situations où :

-          La société est déclarée comme faisant appel public à l’épargne par leurs statuts.

-          La société est une banque, société d'assurances ou Organisme de Placement Collectif en Valeurs Mobilières.

-          Sociétés dont le nombre d'actionnaires est égal ou supérieur à cent.

-          Les titres sont admis à la cote de la Bourse.

Reste donc un seul cas d’appel public à l’épargne ; le recours soit à des intermédiaires, soit à des procédés de publicité quelconques, soit au démarchage.

Ainsi, on pourrait considérer que lorsque les actions non souscrites sont offertes au public totalement ou partiellement, la société qui ne fait pas appel public à l’épargne devient une société faisant appel public à l’épargne si pour le placement de ses titres, recourt soit à des intermédiaires, soit à des procédés de publicité quelconques, soit au démarchage.

En dehors de cette hypothèse, la société peut adopter une attitude passive qui se borne à recevoir des souscriptions auprès des tiers.

« Les commentateurs déconseillent généralement cette solution aux sociétés fermées, de crainte que l’offre au public ne soit considéré comme un appel public à l’épargne, et n’assujettissent les sociétés concernées aux obligations correspondantes[34] ».

4. La déclaration de souscription

En appliquant rigoureusement les dispositions du CSC, la déclaration de souscription est obligatoire uniquement en cas de constitution des sociétés anonymes et ce, en application des dispositions de l’article 170 du CSC[35]. Aucune disposition traitant de l’augmentation du capital ne renvoie à l’article 170 du CSC.

Il en découle que cette déclaration n’est pas d’application obligatoire pour les augmentations du capital[36].

§ C. Libération des actions souscrites

1. Montant à libérer au moment de la souscription

a) Principe général

Lors de la souscription, le souscripteur doit verser le montant correspondant à ses souscriptions à titre réductible et irréductible, majoré éventuellement de la prime d’émission.

L’assemblée générale extraordinaire peut décider une libération partielle.

b) Libération partielle

Actions susceptibles d’être partiellement libérées : La libération partielle ne peut intéresser que les actions libérées en espèces et ne peut pas concerner les actions les actions en numéraire dont le montant est libéré par compensation ou celles qui sont émises par suite d'une incorporation de réserves, bénéfices ou primes d'émission au capital.

Ce-ci découle des dispositions de l’article 316 qui répute actions de numéraire :

-          celles dont le montant est libéré en espèces ou par compensation celles qui sont émises par suite d'une incorporation de réserves, bénéfices ou primes d'émission au capital ainsi que :

-          celles dont le montant résulte pour partie d'une incorporation de réserves, bénéfices ou primes d'émission pour partie d'une libération en espèces.

Ce même article considère qu’à l’exception des actions libérées en espèces les actions de numéraires doivent être intégralement libérées lors de souscription.

Montant non susceptible de libération partielle : Mais, la libération du quart de l’augmentation du capital social doit intervenir dans un délai de six mois à compter de l’assemblée générale extraordinaire qui l’a décidé. A défaut, la décision d'augmentation du capital sociale est nulle (Article 294 CSC).

Délai butoir pour la libération intégrale des souscriptions : Hormis le délai de 5 ans prévu par l’article 294 du CSC pour la réalisation de l’augmentation du capital en cas de délégation de pouvoirs au conseil, aucun texte ne prévoit l’obligation de libérer intégralement les apports en numéraire en cas d’augmentation du capital en numéraire dans un délai précis. Rappelons qu’une telle obligation est prévue en cas de constitution : L’article 165 du CSC dispose « L'apporteur en numéraire doit verser au moins le quart du montant des actions souscrites par lui, et le cas échéant, la totalité de la prime d'émission. La libération intégrale des actions de numéraire doit intervenir dans un délai maximum de 5 ans à compter du jour de la constitution définitive de la société ».

2. Dépôt des fonds provenant des souscriptions

Contrairement aux dispositions régissant la constitution de la société anonyme[37], aucun texte ne prévoit expressément l’obligation de déposer les fonds provenant de la souscription en numéraire dans un établissement bancaire ou financier. Mais une telle obligation résulte implicitement :

ü       De l’article 304 du CSC qui considère que souscriptions et les versements effectués aux fins de la participation lors de l'augmentation du capital social sont constatés par un certificat délivré par l'établissement auprès duquel les fonds sont déposés, sur présentation des bulletins de souscription.

ü       De l’article 302 du CSC qui, en renvoyant à l’article 163 du CSC et suivants dont notamment l’article 164 du CSC, exige la publication d’une notice comportant comme mention obligatoire « l'indication que les fonds seront déposés à la Caisse des dépôts et consignations ».

ü       De l’article 303 du CSC qui, en renvoyant à l’article 167 du CSC, exige la préparation de bulletins de souscription comportant comme mention obligatoire « l'établissement bancaire ou financier ainsi que le numéro du compte où seront déposés les fonds provenant de la souscription ».

3. Libération par compensation

L’augmentation du capital par compensation de créances sur la société constitue une augmentation de capital en numéraire, la compensation n’est qu’un mode de libération.

La libération par compensation n’est possible que lorsque le souscripteur détient à l’encontre de la société « des créances échues » (Article 305 CSC). Aussi, et au-delà de cette condition, l’article 292 du CSC prévoit que « les nouvelles actions peuvent être libérées en numéraire, par compensation de créances certaines, échues (ou exigibles[38]) et dont le montant est connu par la société (ou liquides[39]) ». Il en découle que la libération par compensation n’est possible que pour les créances certaines, liquides et exigibles.

« Une créance qui ne remplit ces conditions ne permettrait pas la compensation. Elle pourrait simplement être l’objet d’un apport en nature[40] ».

Par une jurisprudence constante, la cour de cassation française a considéré qu’une augmentation de capital à libérer par compensation ne peut avoir lieu qu’autant que l’assemblée générale permet cette compensation expressément ou implicitement[41].

Une question a longtemps intéressé les auteurs : La personne qui souscrit à l'augmentation de capital peut-elle valablement libérer sa souscription par compensation avec une créance qu'elle détient sur la société lorsque la situation nette s’est gravement dégradé compte tenu de l’accumulation des pertes ?

En doctrine, « cette question a donné lieu à d'importantes controverses. Certains auteurs soutiennent qu'en pareille hypothèse, Ies actions représentatives de l'augmentation de capital ne sont pas effectivement libérées. Aussi bien font-ils observer que si la créance sur la société était apportée par voie d'apport en nature, elle ne pourrait être évaluée pour sa valeur nominale, le commissaire aux apports ayant à apprécier sous sa responsabilité l'abattement à faire subir à la créance apportée eu égard au niveau des pertes enregistrées qui affectent la recouvrabilité de cette créance.

D'autres auteurs, se plaçant à un point de vue différent, font valoir que l'affectation d'une créance sur la société à la libération d'une augmentation de capital améliore la situation des autres créanciers sociaux. L'opération n'entraîne en effet aucun changement à l'actif du bilan qui demeure rigoureusement le même; en revanche, le passif change de degré puisqu'une créance exigible figurant sous un poste « créanciers » passe à un poste « capital » qui représente une créance gelée, les associés n'exerçant leurs droits qu'à l'issue de la dissolution de la société et une fois réglé le passif dû aux tiers[42] ».

La jurisprudence française a considéré que la libération par compensation est possible même lorsque les pertes après imputation des réserves excèdent le montant du capital ou, ce qui revient au même, lorsque l’actif réel est devenu inférieur au passif réel. Selon la cour de cassation française, rien ne s’oppose à ce que la valeur des titres souscrits soit réglée par compensation avec une créance du souscripteur de la société puisque aussi bien rien ne s’opposerait en cas de versement en espèces à ce que la société règle aussitôt avec les fonds reçus du souscripteur le passif dont elle est tenue[43].

4. La preuve des libérations

a) Cas des libérations  en espèces

Les souscriptions et les versements effectués aux fins de la participation lors de l'augmentation du capital social sont constatés par un certificat délivré par l'établissement auprès duquel les fonds sont déposés, sur présentation des bulletins de souscription (Article 304 CSC).

b) Cas des libérations  par compensation avec des créances certaines, liquides et exigibles

La preuve du versement du montant des actions en compensation des créances échues sur la société est établie par un certificat délivré par le conseil d'administration et approuvé par le commissaire aux comptes. Ce certificat tient lieu de certificat du dépositaire délivré par l'établissement auprès duquel les fonds sont déposés souscription (Article 305 CSC).

§ D. Réalisation définitive de l’augmentation du capital

Normalement, l’augmentation du capital est définitivement réalisée à partir du moment où toutes les actions nouvelles ont été souscrites et libérées (en cas de libération partielle, d’au moins le quart), ou bien en cas d’insuffisance des souscriptions à partir du moment où le conseil a réussi à utiliser les facultés prévues pour cette situation par les articles 298 et 299 du CSC. Rappelons qu’en application du deuxième alinéa de l’article 299 du CSC « L'augmentation du capital social n'est pas réalisée lorsque après l’exercice de ces facultés le montant des souscriptions libérées n'atteint pas la totalité de l’augmentation de capital ou les trois quarts de cette augmentation dans le cas prévu à l'article 298 du CSC ».

Ce-ci dit, contrairement au droit français, aucun texte ne fixe les conditions de la constatation de la réalisation définitive de l’augmentation du capital[44].

Face à ce laconisme juridique, il semble que la constatation de la réalisation définitive de l’augmentation et la modification subséquente des statuts doive être constatée par une deuxième assemblée générale extraordinaire, à moins que la première assemblée générale extraordinaire ayant décidé l’augmentation du capital ait délégué les pouvoirs nécessaires à cet effet au profit du conseil d’administration.

Un arrêt inédit de la Cour d’Appel de Versailles confirme l’obligation de constater la réalisation d’une augmentation du capital par le biais d’une deuxième décision collective en considérant que « l’augmentation du capital est réalisée dès qu’elle a été constatée dans un procès-verbal d’assemblée, quelle que soit la date à laquelle la publicité est faite[45] ».

Une dernière remarque s’impose : la négociation des actions nouvellement émises ne peut commencer qu’à compter de la date et de la réalisation de l’augmentation du capital conformément à la loi (Article 320 CSC).

 

 


 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Section 3 : L’augmentation du capital par incorporation de réserves, primes ou bénéfices

L’augmentation du capital par incorporation de réserves, primes ou bénéfices présente de multiples avantages. « Elle établit une plus juste proportion entre la valeur nominale du titre et sa valeur boursière. Elle augmente la confiance des tiers qui voient les actionnaires consacrer les réserves à augmenter le capital au lieu de les mettre en distribution. Les actionnaires semblent perdre leur droit sur des réserves qui étaient libres alors que le capital est intangible; mais, comme ils reçoivent en général de nouvelles actions et peuvent les négocier, ils arrivent à mobiliser ainsi leur droit théorique sur les réserves[46] ».

§ A. Conditions de réalisation

1. Décision d’augmentation

L’assemblée générale extraordinaire peut décider d’augmenter le capital par une simple opération de reclassement des fonds propres. L’augmentation de capital s’effectue par « virement » de bénéfices, réserves ou primes dans le capital.

Quelle que soit sa modalité de réalisation, la décision d’augmentation est prise aux conditions de majorité et de quorum de prise des décisions extraordinaires[47].

2. Montants susceptibles d’être incorporés

Toutes les réserves peuvent être incorporées (réserves facultatives, extraordinaires etc.) y compris la réserve légale dont la capitalisation ne fait que renforcer son indisponibilité.

Il en est de même pour toutes les primes enregistrées parmi les capitaux propres (primes d’émission, d’apport ou de fusion).

Le CSC admet même que les bénéfices soient directement capitalisés (sans transiter par des comptes de réserves). En effet, l’article 292 du CSC considère que les nouvelles actions peuvent être libérées en numéraire, (…), par incorporation de réserves, de bénéfices et des primes d'émission, (…).

Certains auteurs considèrent que les réserves incorporées doivent avoir une contrepartie réelle à l’actif. En d’autres termes, l’incorporation ne peut avoir lieu lorsque des pertes figurant au bilan ne sont pas apurées préalablement à l’augmentation, à moins que des réserves d’un montant au moins égal aux pertes subsistent parmi les capitaux propres de la société[48].

Lorsqu’elle se borne à analyser les valeurs comptables inscrites au bilan, une telle obligation, peut être excessive si la société justifie de réserves latentes.

Par ailleurs, les sociétés sont souvent amenées à incorporer dans leur capital social des montants défiscalisés et correspondant à des dégrèvements physiques. Une telle pratique dictée par le droit fiscal devient-elle contestable lorsqu’en l’absence de bénéfices (comptables), il est procédé à une augmentation du capital.

3. Cas où la société aurait émis des obligations convertibles en actions

Aux termes de l’article 344 du CSC, il est interdit à l'entreprise émettrice, à dater de l'autorisation de l'assemblée générale extraordinaire relative à l’émission d’obligations convertibles en actions et jusqu'à l'expiration du délai ou des délais d'option pour la conversion, (…), de distribuer des réserves en espèces ou en titres, (…), d'incorporer des réserves ou des bénéfices[49] à son capital et généralement de modifier la répartition des bénéfices.

La violation de cette règle est sanctionnée par la nullité de l’opération réalisée au mépris de l’interdiction (Article 345 CSC).

La position du droit tunisien semble excessive et il aurait été souhaitable, comme l’a fait le législateur français, d’autoriser les incorporations de réserves dans le capital tout en sauvegardant les intérêts des porteurs d’obligations convertibles. En effet et en droit français, la société émettrice doit, en cas d’augmentation du capital par incorporation des réserves ou bénéfices, virer à un compte de réserve indisponible la fraction de réserves, primes ou de bénéfices susceptible de revenir ultérieurement aux obligataires de telle sorte que les obligataires qui opteront pour la conversion recevront le même nombre d’actions gratuites que s’ils avaient été actionnaires au moment de l’incorporation.

§ B. Modalités de réalisation

Comme on l’a vu, l’augmentation du capital peut être réalisée par l’un des deux procédés suivants (ou bien on les combinant ensemble) :

-          Création de nouvelles actions ;

-          Elévation de la valeur nominale des actions .

1. Création de nouvelles actions 

Dans ce cas les nouvelles actions sont attribuées « gratuitement » aux actionnaires existant à la date de la décision d’augmentation proportionnellement à leur participation dans le capital social. Une distribution d’actions gratuites effectuée au mépris de cette règle de proportionnalité est irrégulière. En effet et « bien que la loi ne le prévoie expressément, les droits qui appartiennent aux actionnaires sur l’actif social justifient la reconnaissance à leur profit d’un droit préférentiel d’attribution aux actions nouvelles qui peuvent être créées[50] ».

Il est souvent établi une parité d’attribution des actions nouvelles (ex. X actions nouvelles pour Y actions anciennes). Les actionnaires peuvent alors acheter et vendre des droits d’attribution de manière à réunir le nombre d’actions nécessaire pour prétendre à l’attribution d’actions gratuites.

Contrairement aux dispositions régissant le droit préférentiel de souscription, aucun texte ne prévoit expressément la négociabilité du droit d’attribution. Mais comme « l’accessoire suit le principal », le droit d’attribution rattaché à des actions négociables est négociable[51].

La valeur du droit d’attribution dépend des conditions de marchés, mais on peut toujours calculer la valeur théorique de ce droit.

Prenons l’exemple d’une société anonyme au capital de 100.000 dinars composé de 1.000 actions de 100 dinars de nominal chacune.

En décidant une augmentation de 20.000 dinars par incorporation de réserves, chaque actionnaire se verra attribuer gratuitement une action nouvelle  pour 5 anciennes.

L’actionnaire qui détenait 500 actions (donc 50% du capital) recevra 100 actions nouvelles. Il détiendra 600 actions sur 1.200 actions suite à la réalisation définitive de l’augmentation du capital. La quotité de sa participation dans le capital est alors inchangée à 50%. 

Supposons que les capitaux propres de la société émettrice s’élèvent au moment de l’émission à 180.000 dinars. La valeur théorique de l’action avant augmentation du capital s’élève à 180 dinars.

Suite à l’augmentation du capital, la valeur théorique de l’action dite « valeur ex-droits ou coupon détaché » s’élèvera à 150 dinars í(180.000)/(1.000+200)ý. La valeur théorique du droit d’attribution s’élèvera à 30 dinars (180-150).

On peut faire un raisonnement inverse et retrouver les mêmes valeurs : Pour recevoir une action gratuite dont la valeur ex-droits est de 150 dinars, l’actionnaire devra acheter 5 droits d’attribution. Il s’ensuit que la valeur des 5 droits d’attribution est de 150 dinars d’où l’on retrouve la valeur théorique de 30 dinars (150/5) par droit d’attribution.

Par ailleurs, la valeur de 6 actions ex-droits est celle correspondant à la valeur de 5 actions anciennes. On retrouvera la valeur ex-droits qui est de 150 dinars í(5 x 180)/(5+1)ý.

Enfin, il convient de noter que lorsque la société a émis certaines catégories de valeurs mobilières, il y a lieu de faire bénéficier les titulaires de ces valeurs mobilières de toute distribution gratuite d’actions :

ü       Lorsque la société a émis des actions à dividende prioritaire sans droit de vote, l'attribution gratuite d'actions nouvelles émises à la suite d'une augmentation de capital par incorporation de réserves, bénéfices ou primes d'émission, s'applique aux titulaires d'actions à dividende prioritaire sans droit de vote (Article 366 CSC).

ü       Lorsque la société a émis des certificats d’investissement, l'hypothèse de distribution gratuite d'actions a été traitée par l'article 383 du CSC. Cet article considère qu'en cas de distribution gratuite d'actions, de nouveaux certificats doivent être créés et remis gratuitement aux propriétaires des anciens certificats sauf renonciation de leur part au profit de l'ensemble des porteurs ou de certains d'entre eux

2. Elévation de la valeur nominale des actions

Le procédé d’augmentation de capital par élévation de la valeur nominale des actions a le mérité d’éviter les rompus afférents à la négociation des droits d’attribution (il n’existe pas de droits d’attribution pour l’élévation de la valeur nominale des actions puisque le nombre d’actions comme leur valeur intrinsèque restent inchangés).

Lorsque la société a émis des actions à dividende prioritaire sans droit de vote, toute majoration du montant nominal des actions existantes à la suite d'une augmentation de capital par incorporation de réserves, ou bénéfices, s'applique aux actions à dividende prioritaire sans droit de vote. Le dividende prioritaire est alors calculé à compter de la date de la réalisation de l’augmentation du capital, sur la base du montant nominal des actions nouvelles (Article 366 CSC).

Section 4 : L’augmentation du capital en nature

§ A. Commissariat aux apports

1. Règles de désignation

En cas d'apport en nature, un ou plusieurs commissaires aux apports sont désignés à la demande du conseil d'administration conformément aux dispositions de l'article 173 du CSC.

Notons d’abord que l’article 173 du CSC qui ne s’applique pas pour la constitution des sociétés anonymes ne faisant pas appel public à l’épargne devient applicable pour ces sociétés en cas d’augmentation du capital[52].

Cet article 173 du CSC énonce les règles suivantes :

- En cas d'apport en nature et préalablement à la constitution de la société un ou plusieurs commissaires aux apports sont désignés par ordonnance sur requête du président du tribunal de première instance au lieu du siège social parmi les experts judiciaires et ce, à la demande des fondateurs.

- Les commissaires évaluent sous leur responsabilité la valeur des apports en nature. Leur rapport doit indiquer la description de chaque apport en nature, sa consistance, son mode d'évaluation ainsi que l'intérêt qu'il présente pour la société.

- Le rapport doit être déposé au siège de la société et mis à la disposition des souscripteurs qui peuvent en obtenir communication quinze jours au moins avant la date de l'assemblée générale constitutive.

- L'assemblée générale constitutive statue sur l'évaluation des apports en nature. Elle ne peut réduire l'évaluation faite par les commissaires aux apports qu'à l'unanimité de tous les souscripteurs.

- L'apporteur en nature ne peut prendre part au vote relatif à l'évaluation de son apport.

- Le procès verbal de l'assemblée générale constitutive doit mentionner expressément l'approbation des apports en nature, à défaut la société ne peut se constituer légalement.

On peut s’interroger si l’ensemble des dispositions de l’article 173 du CSC sont transposables aux cas d’augmentation du capital ? Ou bien doit-on considérer que le renvoi à l’article 173 du CSC concerne uniquement les modalités de nomination du commissaire aux apports ?

Les conséquences sont importantes surtout pour savoir si l'apporteur en nature peut participer au vote et si le délai de 15 jours est obligatoire pour le dépôt du rapport du commissaire aux apports.

La rédaction de l'article 306 permet de conclure que le renvoi à l'article 173 concerne uniquement les conditions de nomination des commissaires aux apports (يعين مراقب أو عدة مراقبي حصص بطلب من مجلس الإدارة أو هيئة الإدارة الجماعية طبق أحكام الفصل 173 من هذه المجلة وذلك في حالة وجود مساهمة عينية.). Ces derniers doivent être désignés par ordonnance sur requête du président du tribunal de première instance au lieu du siège social parmi les experts judiciaires.

Ainsi, les autres dispositions de l'article 173 n'intéressant pas les conditions de nomination des commissaires aux apports deviennent inapplicables en cas d'augmentation du capital social.

Pour ce qui est du dépôt du rapport du commissaire aux apports quinze jours au moins avant la date de l'assemblée générale, cette obligation subsiste nonobstant le fait qu'elle ait été prévue par l'article 173. En effet, l'article 280 du CSC dispose: «Le conseil d'administration ou le directoire doit mettre à la disposition des actionnaires au siège de la société, quinze jours au moins avant la date prévue pour la tenue de l'assemblée, les documents nécessaires pour leur permettre de se prononcer en connaissance de cause et de donner leur avis sur la gestion et le fonctionnement de la société».

Le rapport du commissaire aux apports constituant un document nécessaire pour permettre aux actionnaires de se prononcer en connaissance de cause, doit être mis à la disposition des actionnaires au siège social quinze jours au moins avant la date prévue pour la tenue de l'assemblée.

En outre, l'article 306 ne renvoyant pas à l'article 174 traitant des incompatibilités, laisse penser que les incompatibilités énumérées pour le commissaire aux apports ne seraient pas applicables en cas d'augmentation du capital en nature[53] !

L'article 184 punit d'une amende de 1.000 à 10.000 dinars quiconque a sciemment accepté ou conservé les fonctions de commissaire aux apports contrairement aux dispositions de l'article 174. Toutefois, l'article 184 n'est pas applicable lors de l'augmentation du capital car il fait partie du "Chapitre trois - Des infractions relatives a la constitution de la société anonyme».

La disposition apportée par l'article 181 du Code des Sociétés Commerciales s'étend-t-elle à l'augmentation du capital en nature ? En d'autres termes, le rapport du commissaire aux apports établi en cas d'augmentation du capital doit-il ou non être annexé aux statuts de la société anonyme ne faisant pas appel public à l'épargne ? Normalement non.

Le présent tableau essaie de récapituler les principales particularités juridiques de l'apport en nature eu égard à la nature de la société anonyme.

Commissariat aux apports

SA avec APE

SA sans APE

Constitution

Augment. du capital

Constitution

Augment. du capital

Désignation par ordonnance sur requête du président du tribunal de première instance au lieu du siège parmi les experts judiciaires.

Oui

Oui

Non

Oui

Unanimité des souscripteurs ou actionnaires requise pour  réduire la valeur d’un apport en nature

Oui

Non

Non

Non

Participation de l’apporteur en nature au vote

Non

Oui

Oui

Oui

Incompatibilités pour le commissaire aux apports

Applicables

NA

NA

NA

Rapport du commissaire aux apports annexé aux statuts

Non

Non

Oui

Non

2. Rôle du commissaire aux apports

La mission dévolue aux commissaires aux apports par le CSC est carrément une mission d’évaluation des apports en nature[54].

En l’état actuel des textes, le commissaire aux apports se borne à évaluer les apports en nature sans apprécier sur la correspondance de cette valeur avec celle des actions rémunérant lesdits apports.

Il aurait été souhaitable que le commissaire aux apports soit chargé par les textes de se prononcer sur la parité entre la valeur des apports et la valeur réelle des actions d’apport attribuées à un apporteur en nature.

Il n’en demeure pas moins que l’appréciation de cette parité peut être dévolue au commissaire aux comptes chargé en toutes circonstances de veiller sur le respect de l’égalité entre les actionnaires.

§ B. Réalisation de l’augmentation du capital

1. Inexistence d’un droit préférentiel de souscription

Il n’existe pas un droit préférentiel de souscription au profit des anciens actionnaires. La raison est que la société a besoin d’un bien déterminé que seul l’apporteur peut fournir. Les règles prévues en matière d’augmentation de capital en numéraire s’infléchissent. Le but des deux opérations est d’ailleurs différent, il ne s’agit plus seulement d’augmenter les capacités financières de la société, mais surtout de faire entrer dans le patrimoine de la société un bien déterminé, tel un fonds de commerce ou un immeuble, dont le propriétaire deviendra actionnaire. L’inconvénient des apports en nature est que les actionnaires majoritaires peuvent renforcer leur participation en décidant de leur propre chef d’effectuer des apports en nature. Le principe de la liberté contractuelle conduit à admettre la validité de la clause prévoyant qu’en cas d’augmentation de capital par apport en nature, les autres actionnaires auront le droit d’effectuer un apport en numéraire dans une proportion équivalente. Ce droit peut aussi être stipulé lors de l’assemblée qui a décidé l’opération[55].

2. Acte (ou convention) d’apport

Bien que non obligatoire, un acte d’apport peut être établi entre la société et les apporteurs afin de définir les conditions des apports effectués, sous la condition suspensive de leur approbation par l’assemblée générale extraordinaire. Cet acte détermine notamment la consistance et la nature exacte des apports et leur évaluation, fixe le montant de l’augmentation de capital ayant pour but de rémunérer, et éventuellement le montant de la prime d’apport.

3. Décision de l’assemblée

L’assemblée générale extraordinaire statue sur les évaluations d’apports en nature faite par le commissaire aux apports après lecture de son apport. S’il y a approbation des actionnaires des évaluations, l’assemblée générale extraordinaire déclare la réalisation de l'augmentation du capital (Article 306 CSC).

Comme nous l’avons signalé ci-haut, l’apporteur en nature participe valablement au vote sur son apport en nature.

Une dernière observation s’impose, les actionnaires ne sont pas liés par les conclusions du commissaire aux apports et peuvent soit augmenter soit réduire (infra) la valeur des apports en nature.

4. Réduction de l’évaluation des apports

Si l'assemblée réduit l'évaluation de l'apport en nature, l'approbation expresse de l'apporteur est requise. A défaut, l'augmentation du capital n'est pas réalisée (Article 306 CSC).

5. Actions d’apport

a) Libération intégrale des apports

Les apports en nature doivent être intégralement libérés (d’ailleurs, on conçoit mal une libération partielle d’un bien). Cette règle est conformée par l’article 306 du CSC qui dispose « Les actions d'apport doivent être intégralement libérées dès leur émission ».

b) Non-négociabilité temporaire des actions d’apport

Aux termes de l’article 318 du CSC, les actions d'apport ne sont négociables que deux ans après la constitution définitive de la société. Pendant ce temps, les administrateurs doivent mentionner leur nature à la date de la constitution de la société ou de l’augmentation du capital. L’article 319 du CSC nuance cette obligation en disposant « En cas de fusion de sociétés par voie d'absorption ou de création d'une société nouvelle englobant une ou plusieurs de sociétés préexistantes, ainsi qu'en cas d'apport partiel d'actif par une société à une autre, l’interdiction de négocier les actions ne s'applique pas aux actions d'apport attribuées à une société par actions ayant, lors de la fusion ou de l'apport plus de deux ans d'existence et dont les actions étaient précédemment négociables ».

 

Section 5 : L’augmentation du capital par conversion d’obligations convertibles en actions

§ A. Epoque de conversion

La conversion ne peut avoir lieu qu'au gré des porteurs et seulement dans les conditions et sur la base de conversions fixées par le contrat d'émission des obligations. Le contrat indique que la conversion aura lieu soit pendant une ou plusieurs périodes d'option déterminées soit qu'elle aura lieu à tout moment (Article 342 CSC).

§ B. Modalités de conversion

Le législateur n’a pas précisé les modalités de conversion des obligations. Cette indigence dans les textes n’est pas sans causer de réelles difficultés pratiques. En effet, et même si le contrat d’émission prend le soin d’organiser les modalités de conversion, il risquerait, s’il a la volonté d’assouplir ces modalités de se heurter aux dispositions impératives régissant les augmentations du capital.

Il aurait été souhaitable que la loi prévoie des modalités simplifiées pour la réalisation de l’augmentation du capital en cas de conversion d’obligations.

Parmi les difficultés suscitées par la conversion d’obligations, on peut citer :

ü       L’augmentation de capital par conversion s’analyse comme une incorporation de créances au capital social et requiert par voie de conséquences l’établissement d’un certificat délivré par le conseil d'administration et approuvé par le commissaire aux comptes (Article 305 CSC). Quand un tel certificat doit-il être établi surtout lorsque le contrat d’émission des obligations indique que la conversion aura lieu à tout moment.

ü       Est-ce que l’établissement de bulletins de souscription est requis sachant que l’augmentation du capital par conversion d’obligations semble s’analyser comme une modalité de réalisation des augmentations en numéraires et que ces dernières requièrent l’établissement de bulletins de souscription.

ü       Quelles modalités pour organiser la constatation de la réalisation définitive de l’augmentation du capital suite aux conversions, surtout que la constatation de cette réalisation est la seule capable de permettre la négociabilité des nouvelles actions émises ?

ü       Quelles modalités pour organiser le dépôt au greffe, la publicité légale et l’inscription modificative au registre de commerce pour les modifications statutaires afférentes aux augmentations de capital surtout pour les obligations convertibles à tout moment.

ü       Etc.


 

[1] Y. GUYON, Droit des affaires, Tome 1, Droit commercial général et sociétés, Editions Economica, 9ème édition, 1996, § 427

[2] T. com. Montpellier 7 décembre 1988, P.A. 15 mars 1989, p. 20 ; Rapporté in Mémento pratique, sociétés commerciales, Editions Francis Lefebvre, 1998, § 2041

[3] L’article 180-V de la loi française du 24 juillet 1966 autorise, dans les sociétés anonymes dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, le conseil d’administration ou le directoire, selon le cas, à déléguer au président les pouvoirs nécessaires a la réalisation de l'augmentation de capital, ainsi que celui d'y surseoir, dans les limites et selon les modalités qu'il peut préalablement fixer.

Le président rend compte au conseil d'administration ou au directoire, selon le cas, de l'utilisation faite de ces pouvoirs dans les conditions prévues par ce dernier

Le conseil d'administration ou le directoire, selon le cas, rend compte a l'assemblée générale ordinaire suivante de l'utilisation faite des autorisations d'augmentation de capital précédemment votées par l'assemblée générale extraordinaire.

[4] Comme nous l’avons précédemment exposé, les statuts peuvent renforcer le quorum (sans faire obstacle à la libre révocabilité des administrateurs). En revanche, les statuts ne paraissent pas pouvoir alléger les règles légales fixant le quorum. Par ailleurs, aucune disposition ne frappe de nullité les clauses statutaires qui dérogeraient aux règles de majorité légale, ce qui signifierait que ces clauses semblent valables (à condition qu’elles ne fassent pas obstacle à libre révocabilité des administrateurs).

[5] L’article 15 du CSC définit la publicité comme suit : La publicité est faite par une insertion au Journal Officiel de la République Tunisienne et dans deux journaux quotidiens dont l'un étant publié en langue arabe et ce, dans un délai d'un mois à partir soit de la constitution définitive de la société, soit de la date du procès verbal de l'assemblée générale constitutive.

[6] En vertu des dispositions de l’article 180 du CSC « Lorsqu'il n'est pas fait publiquement appel à l'épargne les dispositions du chapitre I du livre quatre ci-dessus sont applicables à l'exception des articles 163, 171, 173, 175 du présent code ».

[7] La conversion de créances est plutôt un mode de libération d’apports en numéraires !

[8] Lamy sociétés commerciales, op. cit., § 3435

[9] J. MESTRE, M.E. PANCRAZY, Droit commercial, Editions L.G.D.J, 25ème édition, 2001, § 485

Mémento pratique, sociétés commerciales, Editions Francis Lefebvre, 1998

[10] Mémento pratique, sociétés commerciales, Editions Francis Lefebvre, 1998, § 2030

[11] Il va de soit que le droit préférentiel de souscription perdra de sa valeur lorsqu’il y a émission avec prime.

[12] Traitant de la constitution de la société anonyme, l’article 166 du CSC dispose « Les actions attribuées en rémunération d'apport en nature doivent être intégralement libérées dés leur émission ». Pour ce qui est des augmentations du capital, l’article 306 du CSC dispose « Les actions d'apport doivent être intégralement libérées dès leur émission ».

[13] Cass. com. 9 juillet 1952, J.C.P. 1953.II.7742 

[14] La prime ne doit profiter qu’aux actionnaires.

[15] Mémento pratique, sociétés commerciales, op. cit., § 2030

[16] M. COZIAN, A. VIANDIER, Droit des sociétés, Editions LITEC, 9ème édition, 1996, § 994

[17] G. RIPERT, Traité élémentaire de droit commercial, Tome 1, 12e édition par R. ROBLOT, Editions LGDJ, 1986, § 1549

[18] L’article 157-1 du décret français n° 67-236 du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales dispose « L'actionnaire qui renonce à titre individuel à son droit préférentiel de souscription doit en aviser la société par lettre recommandée.

Dans les sociétés dont les actions sont inscrites à la cote officielle ou à la cote du second marché, la renonciation ne peut être faite au profit de bénéficiaires dénommés.

La renonciation sans indication de bénéficiaire doit être accompagnée pour les actions au porteur des coupons correspondants ou d'une attestation du dépositaire des titres ou de l'intermédiaire habilité prévu par le décret n°83-359 du 2/5/1983 constatant la renonciation de l'actionnaire.

La renonciation faite au profit de bénéficiaires dénommés doit être accompagnée de l'acceptation de ces derniers ».

[19] Mémento pratique, sociétés commerciales, op. cit., § 2067-1

[20] J. MESTRE, M.E. PANCRAZY, op. cit., § 486

[21] J. MESTRE, G. FLORES, Lamy sociétés, Droit des sociétés commerciales, Editions Lamy, 1985, § 3421

[22] Aux termes de l’article 116 du code de commerce (article abrogé par l’article 2 de la loi n° 2000‑93 du 3 novembre 2000, portant promulgation du CSC), le rapport du conseil d’administration indique les motifs de l’augmentation du capital ainsi que les personnes auxquelles seront attribuées les actions nouvelles et le nombre d’actions attribuées à chacune d’elles, le taux d’émission et les bases sur lesquelles il a été déterminé.

[23] Aux termes de l’article 117 du code de commerce (article abrogé par l’article 2 de la loi n° 2000‑93 du 3 novembre 2000, portant promulgation du CSC), le rapport du commissaire aux comptes indique si les bases de calcul données par le conseil d’administration dans son rapport lui paraissent exactes et sincères.

[24] En droit français, le rapport du conseil d’administration doit contenir, en application des dispositions combinées de l’article 155, 155-1 et 155-2 du décret n° 67-236 du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales, le montant maximal et les motifs de l’augmentation du capital proposée ainsi que les motifs de la proposition de suppression du droit préférentiel de souscription.

Lorsque l'assemblée fixe elle-même toutes les modalités de l'augmentation de capital, le rapport du conseil indique également l'incidence sur la situation de l'actionnaire de l'émission proposée, en particulier en ce qui concerne sa quote-part des capitaux propres à la clôture du dernier exercice Si la clôture est antérieure de plus de six mois à l'opération envisagée, cette incidence est appréciée au vu d'une situation financière intermédiaire établie selon les mêmes méthodes et suivant la même présentation que le dernier bilan annuel. Dans les sociétés cotées, est en outre indiquée l'incidence théorique sur la valeur boursière actuelle de l'action telle qu'elle résulte de la moyenne des vingt séances de bourse précédentes Ces informations sont également données en tenant compte de l'ensemble des titres émis susceptibles de donner accès au capital.

Lorsque l'assemblée générale a délégué ses pouvoirs, le conseil d'administration, ou le directoire, établit au moment où il fait usage de l'autorisation, un rapport complémentaire décrivant les conditions définitives de l'opération établies conformément à l'autorisation donnée par l'assemblée. 

[25] En application des dispositions combinées de l’article 155, 155-1 et 155-2 du décret n° 67-236 du 23/3/67 sur les sociétés commerciales, le commissaire aux comptes donne son avis sur la proposition de suppression du droit préférentiel, sur le choix des éléments de calcul du prix d'émission et sur son montant, ainsi que sur l'incidence de l'émission sur la situation de l'actionnaire appréciée par rapport aux capitaux propres et, le cas échéant, sur la valeur boursière de l'action. Il vérifie et certifie la sincérité des informations tirées des comptes de la société sur lesquelles il donne cet avis.

Lorsque l'assemblée générale a délégué ses pouvoirs, le commissaire aux comptes vérifie notamment la conformité des modalités de l'opération au regard de l'autorisation donnée par l'assemblée et des indications fournies à celle-ci. Il donne également son avis sur le choix des éléments de calcul du prix d'émission et sur son montant définitif, ainsi que sur l'incidence de l'émission sur la situation de l'actionnaire.

[26] Paris, 19 mars 1981, JCP 1982, II, 19720, concl. Jéol, note Y. GUYON

[27] Sous l’empire de l’ancienne législation, l’article 120 du code de commerce (article abrogé par l’article 2 de la loi n° 2000‑93 du 3 novembre 2000, portant promulgation du CSC) punit d’un emprisonnement de un an à cinq ans, ceux qui ont commis cette violation frauduleusement en vue de priver les actionnaires ou certains d’entre eux d’une part de leurs droits dans le patrimoine de la société.

[28] Selon le texte original de l’article 326 du CSC, « après expiration du délai fixé pour l'exercice de ce droit prévu à l'article 307 du présent code ». Or, l’article 307 du CSC traite des réductions de capital. Il s’agit manifestement d’une erreur matérielle et il conviendrait de lire le dernier alinéa de l’article 326 du CSC comme suit « après expiration du délai fixé pour l'exercice de ce droit prévu à l'article 301 du présent code ».

[29] L’article 184 de la loi française du 24 juillet 1966 dispose (tel que modifié par la loi du 3 janvier 1983 et la loi du 14 décembre 1985) « Si l’assemblée générale l’a décidé expressément, les actions non-souscrites à titre irréductible sont attribuées aux actionnaires qui auront souscrit à titre réductible un nombre d’actions supérieur à celui qu’ils pouvaient souscrire à titre préférentiel proportionnellement aux droit de souscription dont ils disposent et, en tout état de cause dans la limite de leurs demandes ».

En fait, l’exercice du droit de souscription à titre réductible constituait une complication importante (traitement des ordres de souscription, établissement d’un barème de répartition) alors qu’il ne portait généralement que sur 1% du capital. C’est pourquoi la loi française du 3 janvier 1983 a supprimé son caractère impératif. Désormais le droit de souscription à titre réductible ne peut être exercé que s’il a été expressément prévu par l’assemblée générale extraordinaire (source : P. MERLE, Droit commercial, Sociétés commerciales, Editions DALLOZ, 8ème édition, 2001, § 558).

[30] Article 179 du CSC « Est nulle et de nul effet toute société anonyme constituée en violation des dispositions des articles 160 à 178 du présent code.

Cette nullité ne peut être opposée aux tiers ni par les actionnaires, ni par la société.

Si, pour couvrir la nullité une assemblée générale est convoquée, le tribunal sursoit à statuer à partir de la date de

la convocation régulière de cette assemblée. En cas de défaut de régularisation par cette assemblée l'action en nullité reprend son cours.

L'action en nullité de la société ou des actes et délibérations postérieurs à sa constitution est éteinte lorsque la, cause de la nullité a cessé d'exister avant l'introduction de la demande, ou et dans tous les cas avant que le tribunal ne statue sur le fond, en première instance.

Pour couvrir la nullité le tribunal saisi d'une action en nullité pourra même d'office fixer un délai n'excédant pas trois mois.

Nonobstant la régularisation, les frais des actions en nullité intentées antérieurement seront à la charge des défendeurs.

L'action en nullité se prescrit par trois ans à compter de la date de la constitution de la société ».

[31] Article 294 du CSC « Toutefois, la libération du quart de l’augmentation du capital social doit intervenir dans un délai de six mois à compter de l’assemblée générale extraordinaire qui fa décidé. A défaut, la décision d'augmentation du capital sociale est nulle ».

[32] Article 295 du CSC « Le capital social doit être intégralement libéré avant toute émission de nouvelles actions à peine de nullité ».

[33] Article 300 du CSC « Elle approuve, obligatoirement et à peine de nullité de l'augmentation, le rapport du conseil d'administration ou du directoire et celui des commissaires aux comptes relatif à l’augmentation du capital et à la suppression dudit droit préférentiel ».

[34] G. RIPERT, op. cit., § 1559

[35] L’article 170 du CSC dispose « La souscription et les versements sont constatés par une déclaration des fondateurs, reçue par le receveur de l’enregistrement du siège social.

A la déclaration visée ci-dessus est également annexé un certificat du dépositaire des fonds constatant leur versement. Le receveur de l'enregistrement habilité à recevoir la déclaration visée ci-dessus délivre les bulletins de souscription.

A l'original de la déclaration sont annexés la liste des souscripteurs, l'état des versements effectués et un des originaux de l'acte constitutif de la société. Le receveur de l'enregistrement est habilité à délivrer aux souscripteurs des copies certifiées conformes des déclarations reçues ainsi que des pièces jointes.

Un original de l'acte de constitution sera déposé au siège social et un autre original sera déposé au greffe du tribunal de première instance du lieu du siège social ».

[36] Il découle du fait que la déclaration de souscription prévue par l’article 170 du CSC ne soit pas obligatoire, que le paiement des droits de souscriptions prévus par l’article 24 du Code des droits d’enregistrement et de timbre n’est pas de même obligatoire en cas d’augmentation du capital en numéraire. En effet, cet article dispose « La déclaration de souscription et de versement reçue par le Receveur des Finances en application de l'article 170 du code des sociétés commerciales, donne lieu à la perception d'un droit de souscription et de versement assis sur le montant du capital souscrit et ce, conformément au barème suivant (…) ».

[37] L’article 168 du CSC dispose « Les fonds provenant de la souscription en numéraire sont déposés dans un établissement bancaire ou financier au compte de la société en formation avec la liste des souscripteurs et l'indication des sommes versées par chacun d'eux. »

[38] Une créance est exigible lorsqu’elle n’est pas suspendue par un terme ou par une condition et que le paiement par le créancier.

[39] Une créance est liquide lorsque son existence est certaine et que sa quotité est déterminée.

[40] Mémento pratique, sociétés commerciales, op. cit., § 2079

[41] Cass. com., 10 février 1969, II, n° 15598 ; Cass. com., 11 avril 1970, n° 68-12.049, JCP (G.), 1970, II, n° 16393 ; Rapportés in Lamy, sociétés commerciales, op. cit., § 3432

[42] Ph. Andrieux, H. DIREZ, L. GILPERT, Traité pratique des sociétés anonymes, Editions des publications fiduciaires, 1977

[43] Mémento pratique, sociétés commerciales, op. cit., § 2079

[44] L’article 167 du décret français n° 67-236 du 23 mars 1967 sur les sociétés commerciales considère que l’augmentation de capital par émission d’actions à libérer en numéraire est réalisée à la date du certificat établi par le dépositaire des fonds ou à la date de la signature du contrat de garantie (ce, dans le cas particulier des sociétés anonymes faisant appel public à l’épargne) ».

[45] CA Versailles 25 mai 1989 ; Rapporté in Mémento pratique, sociétés commerciales, Editions Francis Lefebvre, 1998, § 1008

[46] G. RIPERT, op. cit., § 1567

[47] Contrairement aux SARL, le législateur n’a prévu pour les sociétés anonymes une majorité réduite pour le cas où l’augmentation serait réalisée par incorporation de réserves, primes ou bénéfices.

[48] Dans ce sens, la cour de Nancy a considéré irrégulière l’augmentation du capital décidée au vu d’un bilan non sincère; en effet, ce bilan ne comportait pas une provision qui aurait absorbé les réserves capitalisées si elle avait été constituée comme elle aurait dû l’être (C.A., Nancy, 20 octobre 1976, RJC., 1977, p. 216 ; Rapporté in Lamy sociétés commerciales, op. cit., § 3444).

[49] On notera que l’article 344 du CSC a omis de traiter la situation où des primes seraient incorporées dans le capital social. Mais, il semble que les dispositions de cet article s’étendent valablement aux primes puisque leur incorporation au capital est susceptible de léser les porteurs d’obligations convertibles.

[50] G. RIPERT, op. cit., § 1571

[51] L’article 180-I de la loi française du 24 juillet 1966 prévoit la possibilité pour l’assemblée générale extraordinaire de supprimer la négociation des droits d’attribution. Ainsi, les droits formant des rompus ne seront pas négociables et feront l’objet d’un règlement en espèces. En fait, la société procède à la vente des actions gratuites relatives à l’ensemble des rompus. Le produit qui résulte de cette vente est alloué aux titulaires des rompus au prorata de leurs droits.

[52] L’article 180 du CSC dispose « Lorsqu'il n'est pas fait publiquement appel à l'épargne les dispositions du chapitre I du livre quatre ci-dessus sont applicables à l'exception des articles 163, 171, 173, 175 du présent code ».

[53] Bien que non résultant pas des textes, une recommandation de respecter les incommutabilités légales s’impose.

[54] En droit français, l’article 193 de la loi de 1966 charge les commissaires aux apports d’apprécier, sous leur responsabilité, la valeur des apports en nature.

[55] Y. GUYON, op. cit., § 435

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